À l'heure où les philosophes s’interrogent sur l’émergence d’une conscience chez nos ordinateurs, Yann Diener se demande s’il ne faudrait pas d’abord leur donner un inconscient.
Lia, une intelligence artificielle parfaitement programmée, nous raconte, au jour le jour, comment un jeune chercheur en informatique s’acharne, non pas à la perfectionner, mais à la rendre un peu moins efficace justement !
Nos machines savent très bien parler aujourd’hui. Elles nous répondent avec fluidité et pertinence à propos de n’importe quel sujet. Elles se distinguent pourtant de nous sur un point essentiel. Elles ne se trompent jamais. Aucun lapsus, aucun oubli, aucun cafouillage involontaire. Tout ceci leur est étranger.
Le psychanalyste lacanien Yann Diener nous offre ici une petite histoire légère et pleine d’humour qui nous permet, à partir d’un contre-exemple notoire, de découvrir quelques notions fondamentales de la psychanalyse comme les lapsus, les associations d’idées, le refoulement, et d’entrevoir en quoi ces soi-disant défauts de langage sont en fait une part essentielle de notre humanité.
L’occasion également de mettre en lumière le travail de Yann Diener, qui a véritablement lancé un programme de recherche, aux côtés de Barbara Cassin notamment, visant à implémenter un inconscient dans nos machines.
Peut-être ChatGPT dépassera-t-il bientôt le stade du narcissisme primaire !
Court, original et drôle, un essai idéal pour stimuler notre réflexion sur notre rapport aux nouvelles technologies et découvrir le fascinant travail de Yann Diener.
Hannah Stowe, navigatrice, scientifique et artiste, nous livre son récit : son enfance, son entrée à l'âge adulte et les événements qui l'ont amenée à être qui elle est aujourd'hui. Passionnée depuis toujours par l'océan, elle n’a pas pu résister à l’appel du grand large. Du Pembrokeshire, sa région natale située sur les côtes du Pays de Galles, à la Méditerranée, en passant par le sud du Pacifique elle nous raconte ses épreuves, ses voyages et ses découvertes.
L’autrice nous embarque sur le Balaena, un bateau spécialisé dans la recherche maritime, afin d'observer les baleines et d'en apprendre davantage sur leurs habitudes et leur population. Durant leur voyage, les marins suivent le cliquetis des baleines, son qu'ils suivent grâce à un hydrophone. Ce voyage est le point de départ, celui qui sonnera comme une évidence : son rêve est de vivre au gré des marées.
Au fil des pages, Hannah Stowe crée un lien entre sa vie et l’évolution des animaux, établissant ainsi un parallèle entre les deux. Son accident de surf, l’ayant forcée à rester sur la terre ferme suivie de son retour dans « le grand bain », est ainsi comparé au jeune albatros, oiseau légendaire des océans, devant d'abord survivre seul avant de devoir se lancer dans les airs pour la toute première fois.
Chaque mot, chaque phrase nous ramène à l'océan, à l'odeur iodée, aux embruns sur notre visage, les cheveux au vent. Nous entendons le bruit des vagues et celui des oiseaux, nous visualisons les marsouins et les fous de Bassan ou les corneilles de feu vivant sur les côtes.
Cet ouvrage nous en apprend autant qu'il nous fait voyager. Hannah Stowe nous émeut et nous inspire par sa passion ainsi que par sa force.
Figure majeure du mouvement anarchiste en France, Auguste Blanqui a été de tous les combats et n’a jamais hésité à se mettre en danger pour soutenir la lutte sociale. « L’Enfermé » comme on le surnomme, a ainsi passé 37 ans de sa vie en prison pour ses prises de position. Au temps fort de la Commune, alors que la révolution bat son plein et qu’il est détenu dans des conditions très difficiles, il trouve le moyen d’écrire et de faire publier au plus vite un traité… d’astronomie.
L’ouvrage est remarquable à plus d’un titre, et la préface de Jacques Rancière en éclaire admirablement le sens et sa dimension politique. Pourtant, c’est surtout pour une idée étrange, métaphysique, que le livre a captivé des générations de penseurs.
Elle tient en un syllogisme fort simple. Soit un nombre fini d’atomes, le nombre de combinaisons de ces éléments, quoique extrêmement grand, est nécessairement fini lui aussi. Or, l’espace et le temps étant infinis, il faut que les mêmes arrangements d’atomes se reproduisent à l’identique, indéfiniment, à travers les milliards de mondes passés, présents et à venir.
Autrement dit, les mêmes êtres, les mêmes évènements, vous-même, vos souffrances, vos passions et vos luttes, se retrouvent en une multitude d’exemplaires et de versions alternatives, parmi la foule innombrable des astres. Il n'y a donc pas de « sens de l’histoire ». Tout recommence indéfiniment, et tous les mondes possibles, les meilleurs comme les pires, coexistent et se répètent à l’infini, de toute éternité.
Une hypothèse étourdissante, qui a pu suggérer à Nietzsche la notion d’éternel retour*, qui fut abondamment commenté par Walter Benjamin**, et qui a très clairement inspiré Borges pour sa nouvelle La bibliothèque de Babel***.
Si l’histoire n’est peut-être pas vouée à se répéter, les grandes idées, du moins, ont le pouvoir de se réverbérer à travers les âges.
*Bien que Nietzsche rejette le concept d’atome, il propose une explication scientifique de l’éternel retour en des termes proches de ceux de Blanqui dans son livre posthume La volonté de puissance.
Voir : https://www.mollat.com/livres/433052/friedrich-nietzsche-la-volonte-de-puissance-vol-1
**Benjamin analyse l'hypothèse de Blanqui dans son Livre des passages, liasse « D », que l'on retrouve sous le titre L'ennui, l'éternel retour.
Voir : https://www.mollat.com/livres/3295723/walter-benjamin-de-l-oisivete-l-ennui-eternel-retour
***Borges mentionne brièvement Blanqui dans son Histoire de l’éternité ainsi que dans sa préface du roman L’invention de Morel de Bioy Casares.
Voir : https://www.mollat.com/livres/199873/jorge-luis-borges-oeuvres-completes-vol-1
À travers ce récit, Itziar Ziga ne fait pas seulement le portrait d’une mère adorée ; elle met en lumière la folie d’une vie où l’amour, la peur, et la rébellion cohabitent. C’est brut, c’est violent, mais c’est aussi terriblement vivant. Et surtout, c’est l’histoire d’une femme qui finit par écrire sa propre fin aussi lumineuse qu’émancipatrice.
Très vite, l’idée est venue à Marion Muller-Colard de répondre à cette question posée par son fils sous forme de livre. D’abord car il s’agit d’un sujet qu’elle n’a que très peu abordé avec lui mais aussi parce qu’il a tant d’importance pour elle. C’est un sujet dont il y a tant à dire et à penser. L’autrice, théologienne protestante et autrice de nombreux livres sur la religion, était donc la mieux placée pour y répondre.
Croire, qu’est-ce que c’est ? Qu’est-ce que ça change ?
L’autrice s’engage à traiter les différentes formes de croyances. La manière de croire est propre à chacun, elle peut apporter du réconfort, de l’apaisement, peut-être aussi de la joie ou de la consolation. Elle accompagne les croyants dans chaque moment de leur vie, elle peut être l’espoir d’un jour meilleur.
“Croire ne change rien à mes grands vertiges. Mais ce que ça change, c’est que ça dessine un après, une terre en vue dans une mer déchaînée. Ça oppose à l’enlisement la possibilité d’une déviation”
Mais elle peut également entraîner des dérives, notamment le complotisme, lorsque “croire” se confond avec “savoir”. Car avant tout, il s’agit de savoir croire. Autant, il est bien compliqué de ne croire en rien mais croire n’est pas non plus chose aisée. Elle suit alors les enseignements de Schopenhauer sur la notion d'étanchéité entre les champs du savoir et du croire, car la foi “est foi parce qu’elle enseigne ce qu’on ne peut savoir. Si l’on pouvait savoir, la foi s’en trouverait inutile et ridicule.
Croire est quelque chose que nous faisons tous, Marion Muller-Colard prend pour exemple l’expérience scientifique : avant d'effectuer une expérience, il faut émettre une hypothèse, il s’agit alors de croire que celle-ci se révèlera bonne, on lance un pari. De ce fait, croire devient alors le “marchepied” du savoir.
La foi est également quelque chose qui se partage et qui se vit avec d’autres. Bien que l’autrice ait gardé sa foi dans le domaine de l’intime, elle ne nie pas le fait que, croire c’est aussi appartenir à quelque chose de plus grand, à quelque chose de rassurant. C’est recevoir l’héritage d’un passé parfois douloureux, pour le transmettre au mieux aux générations futures. C’est suivre la tradition, faire confiance à ces gens qui, comme nous, croient.
C’est pour toutes ces raisons qu’il est si intéressant de partir à la rencontre de la conception de la foi d’autrui. Marion Muller-Colard nous conte dans son ouvrage sa vision de “croire”, ce qu’elle lui apporte réellement au quotidien. Elle nous partage la part que prend le “croire” dans sa vie, dans un essai doux et intelligent écrit à destination de son fils, lui exprimant ainsi tout l’amour qu’elle lui porte.
Madeleine Riffaud fut l’une des grandes reporters françaises du XXème siècle parcourant l’Indochine ou l’Algérie au plus près des conflits. Mais elle est plus connue pour son engagement dans la Résistance grâce notamment à la bande dessinée chez Dupuis Madeleine résistante. Pourtant aux débuts des années 70, cette femme d’exception, grande lectrice de poésie et poétesse à son tour édité par Paul Eluard, militante anti colonialiste avant l’heure, décide de s’immerger dans un grand hôpital parisien. La journaliste souhaite cette fois rendre compte du travail et du dévouement des personnes évoluant au plus près des patients à savoir les infirmier.e.s et les aides soignant.e.s.
“Je ne vous écris plus du bout du monde. Cependant ce voyage en blanc présente quelques similitudes avec ceux dont je viens de parler (...)"
Par l’entremise d’un chef de service, ancien compagnon de la résistance, elle est donc embauchée pour faire le ménage au sein du service de cardiologie. Son journal va alors mettre en lumière le quotidien de tous ces employés des hôpitaux, largement invisibilisés qui sont au contact des patients. Hélène, Simon ou Justine, deviennent les figures de travailleurs en blanc “surexploités” et “sous payés” qui officient dans une forme de conscience professionnelle qui confine au don de soi-même. Le labeur, la fatigue si ce n’est plutôt l'épuisement, le contact avec la souffrance, la solitude, la peur, le désespoir, la mort. Comment faire face à cela quand on est soi-même cloisonné dans une vie précaire. C’est une enquête au “ras de carrelage” comme l’écrit Madeleine Riffaud; enquête qu’elle va poursuivre dans différents hôpitaux publics et privés. Le constat est le même: "je n’avais fait qu’entrevoir une misère immense, cachée derrière quelque réalisation de pointe servant de vitrine et d’alibi".
En lisant cette enquête, on pense forcément au Quai de Ouistreham de Florence Aubenas ou plus anciennement encore au 10 jours dans un asile de la journaliste américaine Nellie Bly, pionnière du reportage “clandestin”. On songe aussi à ces enquêtes d’investigation qui nous ont ouvert les yeux sur la condition des plus vulnérables en France comme les Fossoyeurs de Victor Castanet.
Madeleine Riffaud considérait le témoignage comme un devoir, elle qui avait survécu à la torture. Après avoir couvert bien des conflits à travers le monde, la journaliste résistante tend un miroir à notre société et 50 ans après, le terrifiant reflet est toujours d’actualité.
Nous sommes tous d’accord pour dire que sauver une famille d’un incendie ou aider un chat coincé dans un arbre sont des actes courageux. Mais ici, l’autrice nous montre qu’il existe plusieurs formes de courage et qu’elles ne sont pas moins légitimes si on ne parle pas d’elles à la télévision
Le courage, Mariann Edgar Budde en a réellement fait preuve, et ce, à plus d'une occasion. Vous ne connaissez peut-être pas son nom mais avez sûrement vu passer cette scène incroyable où, face à Donald Trump, elle exprime son opinion et demande à ce que ce président, élu pour la seconde fois, fasse preuve de compassion et aide les minorités.
Évêque de l’église épiscopalienne, Mariann Edgar Budde s’exprime tous les dimanches face aux membres de sa communauté, et profite de son exposition pour véhiculer les messages qui lui tiennent à cœur. Son influence lui sert à se battre depuis de nombreuses années pour les droits des communautés LGBTQI+ et pour la cause antiraciste.
Son livre “Apprendre le courage” a d’abord vu le jour en 2023, après son premier éclat médiatique lors du mouvement “Black Lives Matter”, qui fait rage aux États-Unis. Cette deuxième édition sonne comme une note de rappel à ce qu’est le courage et à son importance. Elle mêle témoignages personnels mais aussi parcours de vie de personnalités, connues ou non, ayant fait preuve de courage au cours de leur vie.
D'Eleanor Roosevelt à Martin Luther King, de militants anti-ségrégation à certains de ses amis prêtres et évêques, Mariann Edgar Budde nous conte leurs vies, les moments marquants de leur histoire où ils ont dû prendre une décision qui leur a été difficile, une décision qui leur a demandé du courage.
Parmi ces formes de bravoure, l’autrice écrit notamment sur le courage que cela nécessite de partir, mais également son contraire : le courage de rester. Elle aborde le courage d’assumer ce que l’on n'a pas choisi, des situations qui nous tombent dessus, telle que la maladie, par exemple. Enfin, elle traite du revers de la médaille, c’est-à-dire du courage qu'exige la persévérance et ce qui suit parfois, la désillusion.
Dans cet essai, l’autrice ne néglige aucun acte de bravoure. Elle nous montre avec de nombreux exemples touchants et inspirants que, avoir du courage, c’est dépasser ce qui nous paraissait impossible, surtout quand il s’agit de faire avancer les droits sociaux.
En 2019, un louveteau solitaire et famélique est retrouvé errant au cœur du massif du Mercantour, au sein du petit village de Valberg, dans les Alpes du Sud. Il rôde, cherchant de la nourriture, mais ne se laisse pas approcher. Dès lors, il suscite un grand intérêt : diverses institutions telles que l’Office français de la biodiversité ou l’association One Voice vont s’emparer du sujet pour tenter de comprendre comment ce loup a pu se retrouver seul et si proche de l’Homme. Il sera capturé puis soigné dans un centre spécialisé, avant d’être relâché avec un collier émetteur pour suivre sa progression. Pourtant, après plusieurs semaines d'activité, ce collier cessera d'émettre brusquement en janvier 2021, nourrissant ainsi les doutes et les soupçons quant à son sort et relançant, de ce fait, le débat sur le lien entre l’Homme et l’animal.
Pauline Briand signe avec Le loup de Valberg un récit captivant qui mêle enquête, histoire sociale et réflexion intime autour d’un animal aussi fascinant que craint : le loup. À mi-chemin entre anthropologie et écologie, l'autrice nous invite à voyager en immersion dans la mémoire d’un territoire en explorant les tensions que ce retour du "prédateur" a réveillées. Le loup devient ainsi un révélateur, un miroir des fractures sociales, symboliques de notre époque avec des thématiques importantes comme celle de la prédation, une menace de plus en plus pesante pour les éleveurs français.
Loin des discours manichéens, ce texte particulièrement fort questionne nos peurs, nos héritages, notre rapport au vivant et à la nature dite "sauvage" avec une justesse de ton profondément touchante. Un essai dense, mais d’une grande accessibilité, qui interroge sans asséner.
Une lecture précieuse pour tous ceux qui s’intéresse aux enjeux écologiques, à la ruralité, à l’histoire des marges… ou tout simplement à ce qui nous lie et nous oppose aux autres êtres vivants !
Un coup de cœur de Eliséa L. !