« C'est la vie... ! »
S'il est un drame intemporel et universel c'est bien celui de la mort d'un proche ou d'un être aimé. Et avec elle son émotion non moins universelle qui est le chagrin ainsi que son lot de questions. Comment faire le deuil ? Peut-on faire le deuil ? Et qu'est-ce que cela signifie, d'abord, faire le deuil ?
Dans l'optique d'apporter un début de réponse à ces questions voire, pourquoi pas, quelques méthodes pour réussir à surmonter son chagrin, Robert D. Richardson nous raconte comment trois grands philosophes, Emerson, Thoreau et William James, ont fait face à la mort. Et ces noms n'ont pas été choisis au hasard dans la mesure où, non seulement, ces derniers ont été en relation plus ou moins directe, mais surtout, ils ont tiré du deuil des enseignements peu ou prou similaires.
Pour chacun de ces philosophes, en effet, la mort a été comme la première étape d'une rencontre avec la nature. « Au cours de ces heures passées au Jardin des Plantes à entrer en profonde symbiose avec le monde naturel, le très puissant principe de vie en vient à supplanter entièrement les sentiments de perte et de désespoir auxquels Emerson avait succombé. » (...) « Nous pouvons mieux comprendre le phénomène de la mort dans le domaine animal lorsque nous l'observons au préalable dans le règne situé juste au dessus de nous : le monde végétal. La mort de la puce et celle de l'éléphant ne sont que des phénomènes de la vie et de la nature. »
Autrement dit, le naturalisme permet la bascule d'un regard anthropocentré vers un regard écocentré qui permet à son tour l'acceptation et la sagesse propre aux philosophes. L'observation de la nature permet de comprendre et, encore mieux, d'éprouver que la mort est aussi ordinaire que la vie ; qu'elle est même une loi du cycle du vivant et non un accident. Tout est presque une question de regard, de point de vue. Il suffit pour cela de contempler le rythme des saisons à la manière de Thoreau, qui écrit dans son journal : « selon que nous voyons les choses en phase de croissance ou de dissolution, dans la vie ou dans la mort (...) si nous observons la nature comme quelque chose qui s'interrompt en un instant, tout paraît se mortifier et se décomposer, mais vue comme quelque chose qui avance, elle est belle. »
À ce surmontement de la mort par le naturalisme et la philosophie, Williams James, filleul et contemporain d'Emerson, ajoute une approche davantage psychologique. Grâce à la belle notion de résistance autonome du moi au monde, ce dernier postule que « l'attitude n'est pas tout mais elle presque tout. » Selon lui, bien souvent, il suffit de changer d'attitude, de décider, d'agir ou de créer de nouvelles habitudes pour maîtriser ses émotions. Ces dernières succèderaient à l'action bien plus que l'inverse. « Chacun sait comment la fuite aggrave un accès de panique et comment on aiguise le chagrin ou la colère en laissant libre cours aux symptômes de ces passions. Chaque crise de larmes avive le chagrin et en appelle une plus violente encore (...) Refusez-vous à exprimer une passion, et elle meurt. »
En résumé, la mort fait partie de la vie et le chagrin est une émotion comme une autre qu'il est possible de dominer. Du reste, telles sont les leçons retenues par ces trois philosophes en deuil qui, comme tout être humain, ont été ébranlés par la mort d'un proche et s'en sont sortis commes ils ont pu, en l'occurence plutôt par le haut.
Un récit biographique et philosophique passionnant et porteur d'espoir qui, en parlant de la mort, nous invite à aimer encore plus la vie, la nature et le vivant !