Un coup de coeur de Marion B.
"Qui dit "je" en moi ?" : c'est à cette question vertigineuse à laquelle répond Hélène Loevenbruck, linguiste, docteure et chercheuse en sciences cognitives, dans le passionnant "Le mystère des voix intérieures".
L'endophasie, c'est le terme savant pour signifier la ou les voix intérieures qui peuplent notre paysage intérieur et s'expriment de façon plus ou moins développée (de la bribe au discours pleinement formé) et délibérée (de la réflexion intempestive qui parasite la lecture d'un roman à la prière silencieuse). Et c'est naturellement qu'Hélène Loevenbruck explore le foisonnement de ces flux de conscience qui prennent tantôt la forme de monologues, tantôt celle de dialogues avec soi-même ou autrui par le truchement de la littérature et du récit à la première personne. Mais au-delà de la parole, l'endophasie désigne aussi d'autres formes langagières : à savoir les images, les odeurs et toute l'imagerie mentale jusqu'à la plus abstraite qui se combinent différemment selon les individus et sont à la racine de notre pensée. Pour exemple, de la même façon qu'une part infime de la population est touchée par l'absence d'imagerie mentale visuelle, une partie d'entre nous pensent "avec des mots, sans le son". Ainsi de Philippe, le compagnon de l'autrice qui "quand il évoque un souvenir, [...] ne peut pas convoquer d'images, ni de sons, ni d'odeur". Un souvenir qui reste dans son esprit "une pure abstraction. De la sémantique absolue."
La richesse de nos voix intérieures ne cesse donc pas d'étonner et quelles que soient leurs manifestations, une chose est certaine : on peut "chercher en son for intérieur le sens profond des choses [...]. Se nourrir de nos échanges avec les autres, avec l'environnement. [...] Par la parole en soi, et par l'art." "Le mystère des voix intérieures" nous permet d'aller à la rencontre de ces mondes à soi.