Des pignons d’immeubles aux palissades, du mobilier urbain aux rideaux métalliques des magasins, sur quelques wagons abandonnés ou encore sur des toits inaccessibles, notre environnement visuel se parent d'œuvres insolites répondant de la formule depuis commune de “Street-Art” ! Un “Label” commode qui dans son essaim regroupe le graffiti, les fresques dites murals, le collage, les pochoirs et stickers, parfois même des détournements publicitaires et des installations. Mais qu’est-ce, réellement, que le Street-Art ?
Si l’usage de ce vocable est devenu commun, et sa pratique entrée dans les mœurs, il fut longtemps assimilé à la marginalité, au vandalisme, considéré comme un acte asocial qui lui valut d’être longtemps ignoré du monde de l’art “officiel” et tenu à distance par les historiens de l’art et les institutions, allant jusqu’à y voir un art mineur. Désormais considéré comme un réel phénomène esthétique et culturel, le street-art est partout, sur toutes les bouches et dans toutes les langues et de nombreuses études et analyses savantes y consacrent leurs pages. Également, phénomène relativement récent, ses œuvres côtoient parfois les œuvres dites “classiques” qu’arborent les cimaises de musées d’art contemporain, de galeries ou de collections privées.
Né dans les années 1960-1970, indissociable des luttes sociales et des mouvements d’émancipation en Amérique et en Europe, trouvant son inspiration dans l’underground et la subculture, le Street-art est dès son apparition un “mouvement” protéiforme, mouvement sans manifeste aux artistes anonymes ayant pour seul atelier l’espace urbain. Qu’il s’agissent du graffiti writing (écrire un nom, un “Blaze”, un mot en lettres stylisées comme signature ou symbole iconique de celui ou celle qui l’inscrit), du panel (graff sur les parois d’un train), des murals, ces performances in-situ vont devenir plus que de simples messages iconographiques mais une forme d’esthétisation de l’espace urbain sous couvert de revendications politiques, idéologiques et d’individuation artistique. Les années 80-90 sont souvent considérées comme des années d'expérimentation durant lesquelles certains artistes (Basquiat et Haring, entre autres) vont s’inspirer de l’art urbain, du graffiti et du pochoir, en le mêlant à des supports et formes d’art plus traditionnels. A partir de là s'opère tout une acculturation esthétique entre art contemporain et art urbain : les plasticiens s’inspirant des graffeurs et street-artistes et ces derniers s’inspirant des plasticiens. Les rues se parent désormais de fresques figuratives, de portraits, de caricatures, de paysages, de logotypes drôlatiques ou sarcastiques. L'ironie, la parodie, les métaphores s'immiscent dans la lecture des œuvres et un réel jeu d’interprétation complexe s’ouvre au spectateur. D’autres figurent tutélaires, parfois éloignées du strict Street-art, inspirent ces nouveaux artistes : Ernest Pignon-Ernest qui en 1966 intervient in-situ sur le plateau d’Albion contre le nucléaire ; Gérard Zlotykamien ; Jacques Villeglé, Combas, Gordon Matta-Clark, Cy Twombly, Christy Rupp.
A partir de la fin des années 90 l’usage se popularise et se démocratise, adoptant un réel vocabulaire propre au street-art ainsi que des prouesses et techniques qui n’ont plus rien à envier aux maîtres-anciens. Les maisons d’éditions s’y intéressent, les collectionneurs y voient un marché prometteur, les institutions muséales ne peuvent plus ignorer ces productions et les badauds-citadins y trouvent une nouvelle forme artistique pour embellir leur quotidien visuel. Émergent dès lors des noms singuliers devenus emblématiques, figures de proue d’un nouvel art urbain. Les mêmes noms que l’on retrouve désormais dans des galeries, des ventes aux enchères ou sur des produits dérivés : l’inclassable Banksy, JR, Jef Aérosol, Shepard Fairey (entendre Obey), Kaws, Invader… Gardant l’anonymat pour certains, ils n’en deviennent pas moins les grands représentants de l'internationalisation et l’institutionnalisation du Street-art. Réprimandé, congratulé, subventionné, le street-art a désormais une multitude de formes et de visages si bien qu’il semble quasi impensable, voire abscon, d’en extraire une définition universelle et univoque. Si le terme renvoie à une pratique artistique tributaire de son contexte d’apparition, à savoir la ville ou l’extérieur, sa spatialisation n’est plus uniquement celle-ci, ni même son voeu de flirter avec l’éphémère, avec la fragilité d’une oeuvre qui pouvait être effacé, recouverte, abîmée ou elle-même détournée. C’est justement là tout la richesse de ce “mouvement” - mouvance continue plus que courant - : multiplier les enjeux politiques, croiser les esthétiques, mêler les théories, se jouer du marché de l’art tout en s’y intégrant, jouer à l'anonymat tout en tentant de marquer une nouvelle histoire de l’art…
Afin de mieux comprendre l’historiographie du Street art, connaitre ses acteurs ou simplement contempler des œuvres souvent inaccessibles puisqu'en tout lieux du monde, nous vous proposons une liste non exhaustive d’ouvrages qui pourront un tant soit peu répondre à quelques questions, ou tout au moins vous faire voir des œuvres aussi insolites que géniales, des plus minimalistes aux plus complexes.