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Les femmes en asile : toutes n'étaient pas malades

Une actualité de Margaux M.
Publié le 29/04/2025
Continuons, grâce à la littérature, à rendre hommage et vie, en tout temps, à ces femmes mal diagnostiquées, ces femmes qui dérangeaient parfois, et donnons à voir ces erreurs médicales, ces méconnaissances fatales de la médecine des siècles passés, et ces stigmatisations de la maladie mentale.
En publiant son premier roman, Mon vrai nom est Elisabeth, Adèle Yon met en lumière le destin de son arrière-grand-mère. Une femme parmi toutes celles qui ont subi le joug de la misogynie de la société et de la médecine des années 50. Ce premier roman résonne particulièrement avec le travail sur la misogynie de l'artiste catalane Laia Abril, ON MASS HYSTERIA, exposée au BAL, à Paris. Elle s'intéresse au cas de l'hystérie, notamment celle dite "collective", en présentant trois études de cas contemporaines : preuve en est qu'il reste peut-être du travail ? 
 
Mais heureusement, depuis le XIXème siècle et les débuts de la psychiatrie, jusqu'à aujourd'hui, la littérature et ses écrivaines se sont emparées du sujet, l'occasion pour des autrices de commettre des récits bouleversants qui traversent le temps. En réponse à une réalité brutale, parfois criminelle, la langue rend visible les souffrances. 
C'est cette langue qu'utiliseront certaines autrices, victimes à travers les siècles, en révélant des textes frappants d'authenticité, comme des témoignages. Si nous ne devions en citer que quelques unes, on devinerait alors, par exemple, le malaise de l'auteure face à son Papier peint jaune chez Charlotte Perkins Gilman, dans un texte de 1892, parfois traduit en français par La séquestrée : un récit autobiographique puissant. Nous lirions également, Janet Frame et le deuxième volume de son autobiographie, Un ange à ma table, qui donne à voir son adolescence et vie de jeune femme en institution dans les années 40 en Nouvelle-Zélande, après avoir été faussement diagnostiquée schizophrène. 
Et puis il y a celles qui, sous couvert de fiction, racontent. Christine Lavant, auteure autrichienne du début XXème, imagine dans ses Notes d'un asile de fou, les relations entre les internés, ayant elle-même fait un séjour en asile psychiatrique. Et ceux qui, comme Wilkie Collins, célèbre auteur britannique du XIXème, invente la vie d'une femme victime de son mari, qui souhaite à tout prix la faire passer pour folle, telle La dame en blanc. 
 
Encore aujourd'hui, à l'instar de Adèle Yon, certaines autrices continuent à mettre en lumière cette dure réalité, ces femmes que la société préférait parfois cacher et les traitements qu'elles reçoivent. C'est ce qu'a fait la reporter Nelly Bly, en 1887, en infiltrant un hôpital psychiatrique et dénonçant les méthodes de soin des patients dans une enquête titrée 10 jours en asile. Plusieurs siècles plus tard, Joy Sorman menait l'enquête également, dans À la folie, prix du livre du réel 2021 : le récit d'une immersion en institut psychiatrique.
La fiction sert aussi à rendre visible ces mauvais traitements et injustices. Joyce Carol Oates, dans son roman Boucher paru en 2024, fait le portrait du médecin Silas Weir, inspiré d'un véritable médecin, qui fait subir aux patientes d'un hôpital psychiatrique des expérimentations médicales cruelles. Quelques années auparavant, Victoria Mas, dans son premier roman poignant, Le bal des folles, prix Renaudot des lycéens 2019, redonnait vit au docteur Charcot et ses bals organisés à la Salpêtrière, controversés depuis, auxquels la bourgeoisie parisienne venait assister en grande pompe, pour voir danser les patients. Un véritable roman avec en toile de fond cette triste réalité. 
 
Alors, continuons, grâce à la littérature, à rendre hommage et vie, en tout temps, à ces femmes mal diagnostiquées, ces femmes qui dérangeaient parfois, et donnons à voir ces erreurs médicales, ces méconnaissances fatales de la médecine des siècles passés, et ces stigmatisations de la maladie mentale. 
 

Celles qui témoignent, et celles qui imaginent

Celles qui enquêtent, et celles qui ré-inventent