Dans "L'élégance animale", Bertrand Prévost propose une réflexion profonde sur la relation entre les animaux et leurs apparences. L'objectif n'est pas de se concentrer sur la simple beauté des formes animales, mais plutôt sur une "élégance animale" animée par une dynamique expressive. L'auteur explore la capacité des animaux, via leurs formes et leurs couleurs, à dépasser la simple identification pour atteindre un niveau d'existence plus profond.
L'ouvrage s'inscrit dans un courant de pensée contemporain qui interroge la "perte du monde", un concept philosophique apparu au XVIIe siècle avec la séparation entre sujet et objet. Pour Bertrand Prévost, cette vision nous a menés à une crise écologique. Il critique le naturalisme qui, selon lui, perpétue une conception hiérarchique de la nature (matière, vivant, humain/culturel). L'auteur défend plutôt une "transversalité cosmique", inspirée par la pensée de Deleuze, où l'on observe des rencontres, des hybridations et des participations entre les différentes strates du monde, nous invitant à reconnaître notre connexion intrinsèque avec le minéral, le végétal et l'animal.
Cette approche permet de réinterpréter des phénomènes comme le camouflage, le mimétisme et la coévolution. L'auteur insiste sur les "rencontres impossibles" entre le vivant et le non-vivant, comme l'exemple d'un poisson qui se mimétise avec le sable, montrant comment une apparence expressive peut naître d'une interaction profonde avec le milieu. Pour cela, il propose de distinguer un "mauvais anthropomorphisme" (qui projette des caractéristiques humaines sur l'animal de manière réductrice) d'un "anthropomorphisme supérieur". Ce dernier assume notre position humaine dans le cosmos pour aborder les animaux, non pas de manière détachée, mais en reconnaissant que quelque chose d'animal, de végétal ou de minéral existe déjà en nous.
Le livre montre également comment nos propres pratiques culturelles (cosmétiques, vestimentaires) puisent dans le vocabulaire animalier, et inversement, comment notre langage décrit les singularités animales. Cette interconnexion des apparences expressives va au-delà de la fonction utilitaire que la science (le darwinisme) leur attribue (protection, séduction). En s'appuyant sur les travaux du zoologue suisse Adolf Portmann et sa notion de Selbstdarstellung (présentation de soi), Bertrand Prévost soutient l'idée que les apparences animales ont une existence en soi, non pas par pure gratuité, mais comme une fonction vitale essentielle pour le vivant.