A travers le suivi d'une expérience de promotion des artistes musiciens du Niger, cet ouvrage interroge les pratiques sociales susceptibles de créer une dynamique de développement propre au continent africain, et ainsi favoriser son intégration à la mondialisation en cours. ©Electre 2025

Dans cinquante ans, un enfant sur deux naîtra en Afrique. Les Africains, conscients des enjeux, se veulent citoyens du monde mais cherchent encore, au-delà des exigences matérielles, les moyens d'apporter la contribution de leurs talents à une culture globale naissante. Comment, concrètement, éviter que le développement ne devienne le monopole de quelques uns et les nouvelles chaînes des autres ? Comment, en dehors du modèle encore écrasant de la révolution industrielle, trouver les ressources nécessaires ? Comment trouver des alternatives à une merchandisation de la planète ? Il faut des initiatives, des projets, des modélisations : ce livre s'est construit autour d'une expérience nigérienne.

De 1989 à 1996 le Ministère de la Culture du Niger, avec l'appui de l'Union européenne, donne mission au Centre de Formation et de Promotion Musicale de promouvoir les musiques traditionnelles et d'encourager la création moderne. Pour favoriser la fusion, il accueille et forme des artistes ayant vécu les modes d'éducation, les itinéraires professionnels et les parcours de formation les plus variés. Issus des sociétés rurales ou du creuset urbain, héritiers de la tradition des griots, aventuriers au long cours, ces musiciens inventent leur manière de pratiquer la musique et d'en vivre, puisant dans leurs ressources intimes et dans les apports exogènes mis à leur disposition. Certains, engagés dans une démarche de biographie éducative, révèlent que leurs étonnantes facultés d'adaptation et d'apprentissage ont été cultivées au moyen de stratégies et de pratiques sociales profondément partagées. C'est l'occasion de prendre la mesure d'un patrimoine immatériel encore disponible, immense à interroger et recelant une richesse irremplaçable, capable de mobiliser les énergies selon des dynamiques réellement endogènes.

Sensible aux évolutions en cours, le continent prend le temps - c'est aujourd'hui, certes, un risque majeur - de trouver son propre mode d'insertion dans la «mondialisation» sans pour cela vendre ni son âme ni les accents de ses héritages musicaux. Il attend ses passeurs de frontières ; certains, déjà, s'expriment dans ce livre.