Une étude consacrée à l'une des 3.000 communes de Suisse, Château-d'Oex avec en toile de fond l'histoire nationale de la Suisse. L'auteur montre les nombreuses divisions qui règnent sur le village (langue, religion, opposition ville-campagne, etc.) et qui n'est que le reflet de la grande disparité des régions qui composent cet Etat fédératif. ©Electre 2025

La «nation» suisse a beau exister depuis 1848, date à laquelle une vingtaine de petites républiques s'unissent en un Etat fédératif, l'unité de base de cette confédération demeure la commune. Aux yeux du citoyen helvétique, elle seule incarne sa vraie patrie. Difficile, de ce fait, d'éclairer de l'intérieur l'histoire suisse en laissant de côté ce projecteur que constitue l'histoire locale.

Consacrée à l'une des 3000 communes suisses, l'étude que voici jette son dévolu sur Château-d'OEx, entité administrative dont la naissance remonte à un millier d'années avec le défrichement des forêts préalpines et l'assèchement des marais glaciaires.

Au cours des siècles, la communauté villageoise va faire l'expérience de ces nombreuses divisions qui font la complexité de la Suisse. La question linguistique, par exemple : au XVIII^e siècle, avec l'emprise progressive de l'extérieur sur la vallée, on en arrive à une situation où le bailli use d'un dialecte allemand, les fonctionnaires et les maîtres d'école écrivent en français, tandis que les paysans s'expriment en une langue romane fondée sur le latin et mâtinée d'anciens termes celtes. Autre fracture, relative à la religion : la Réforme imposée en 1555 dans la partie supérieure de la vallée ne touche pas la partie inférieure, qui reste catholique. Quant aux relations parfois orageuses entre la montagne et la ville, elles vont avoir pour principal trait d'union le commerce du fromage, avec ses crises et ses heures de gloire. A plus d'un siècle d'une prospérité inhabituelle pour les Préalpes vont succéder l'invasion de la Suisse par les troupes de Bonaparte et une brutale récession que l'industrie touristique naissante ne suffira pas à conjurer. En parallèle, cependant, les développements de la politique inaugurée par la première génération de gouvernement démocratique - unification des postes cantonales, instauration d'une monnaie unique, uniformisation des poids et des mesures, suppression des douanes intercantonales et généralisation de l'enseignement primaire - ouvriront progressivement la voie à une reprise économique sensible jusqu'à Château-d'OEx. Mais les tribulations de la petite vallée prise dans le tourment de l'Histoire ne s'arrêtent pas là. Et c'est tout le mérite de cette étude passionnante de la suivre jusqu'à nos jours.