Ces contributions de chercheurs, réunis en octobre 2000 à l'Université d'Artois, retracent les réseaux de correspondance du siècle des Lumières et leurs implications dans la société. Sont aussi présentés les nouveaux outils (édition, instrumentation électronique, bases de données) permettant de mieux en rendre compte. ©Electre 2025

La correspondance est l'âme du commerce. Dans l'Europe des Lumières, et pas seulement dans la République des Lettres, la bien nommée, Huguenots du Refuge, journalistes, francs-maçons, philosophes, scientifiques et administrateurs vivent au rythme de la Plume et de la Toile, comme aujourd'hui beaucoup d'entre nous vivent comme suspendus à la relève régulière voire instantanée de leur boîte à lettres électronique. Dans la société préindustrielle d'alors, comme dans le monde postindustriel d'aujourd'hui, le réseau de correspondance permet de contracter l'espace et le temps. Sa maîtrise est un enjeu majeur, sa liberté également. Dans cet espace en réseaux qui s'enchevêtrent, s'étouffent, se complètent et s'enrichissent aussi, des stratégies se déploient, des ambitions se révèlent. Le rêve d'une correspondance libre, universelle et harmonieuse nourrit les utopies planétaires (Armand Mattelart) : République des Lettres et des Sciences, République universelle des francs-maçons, comme Internet entretient l'illusion du village planétaire dont les habitants redécouvriraient la proximité et la communication libre et spontanée via le web- qu'on n'appelle plus, significativement, que Réseau.

Ce volume réunit les contributions de chercheurs français et étrangers, littéraires, historiens, conservateurs de bibliothèque, informaticiens, venus à l'Université d'Artois, les 26 et 27 octobre 2000, non seulement présenter leurs travaux sur les réseaux de correspondance qui maillent l'espace européen des Lumières, ou de nouveaux outils - édition et instrumentation électroniques, bases de données - mais réfléchir ensemble à un faisceau de questions essentielles.

Peut-on penser la correspondance sans le réseau ? la plume sans la toile ? Qu'est-ce qu'un réseau de correspondance ? N'a-t-il d'existence que virtuelle, ou peut-on en dessiner les contours, préciser les fonctions et postures de ses acteurs ? Quelles sont les règles du commerce épistolaire ? Pourquoi et comment les hommes des Lumières investissent-ils les réseaux de correspondance ? Peut-on préciser les stratégies de l'information et de la communication à l'œuvre dans la Plume et la Toile ? Alors que la sphère privée se dilate et s'autonomise par rapport à l'Etat et aux Eglises, tandis que dans le même mouvement la sociabilité des Lumières devient une citoyenneté sans souveraineté (Daniel Gordon), quels sont les enjeux politiques de l'acte de correspondre ?