Recueil d'exégèses évangéliques fondées sur des traductions littérales de l'Ecriture. L'auteur souligne en particulier le caractère révolutionnaire de l'incarnation divine dans la chair et dans l'histoire humaine. ©Electre 2025

Prêcher dans la vallée

Le langage et la logique président aux échanges des humains. Ils peuvent pourtant échapper à leur fonction première et devenir des agents d'enfermement. La langue, en effet, se révèle comme la pire des choses quand, régie par la passion de l'Un et l'érection d'un signifiant-maître au titre de primat, elle permet d échafauder des constructions susceptibles de justifier pratiques et théories relevant du totalitarisme. L'histoire de la théologie n'est pas avare de tels signifiants. Les hérésies christologiques, entre autres, offrent des termes qui illustrent la fièvre récurrente d'un idéal totalisateur : monarchianisme, monophysisme, monothélisme constituent une trinité qui dénie l'essence du christianisme : l'Incarnation.

Parmi ces trois monismes théologiques, le monophysisme révèle une dérive fréquente qui assoit un discours institutionnel ou subjectif, censé détenir son autorité du pouvoir exclusif de l'Esprit. Il existe pourtant une autre logique permettant d'éviter une telle opposition vouée à l'impasse. Le concile de Nicée est en effet le premier à introduire dans l'histoire de la théologie la notion d'implication, déjà annoncée par les Indiens puis par les stoïciens. On peut ramasser cette logique dans la formule : pas l'un sans l'autre. Ce concile peut ainsi se résumer dans l'énoncé suivant : pas de Père sans Fils - et réciproquement - de toute éternité. Plus d'un siècle après, le concile de Chalcédoine développe la même logique en proclamant : il n'est pas, en Christ, de nature divine sans la nature humaine. Exalter la première au détriment de la seconde, relève donc d'un monophysisme inavoué qui dévalue l'humain par rapport au divin, hausse le logos au-dessus de la chair et glorifie l'esprit au dam de la matière.

Le présent recueil d'homélies rassemblé par Roland Sublon manifeste la volonté de mettre en lumière la nouveauté et l'actualité de l'Incarnation dans l'Histoire et son caractère scandaleux voire blasphématoire pour l'hérésie monophysite, adepte d'un sacré antipathique au saint .Ce souci d'orthodoxie qui consiste à réhabiliter la chair dans un contexte religieux tenté de lui opposer l'esprit est lié à une pratique médicale selon laquelle l'incarnation ne se réduit pas à quelques flatulences théologiques.