Etude de la réception de l'oeuvre de Pierre Bayle au Refuge ainsi que de la querelle née des divergences philosophiques opposant Pierre Jurieu et Bayle dans les années 1690. Témoignage sur l'essor de l'Eglise wallonne, dû à la persécution religieuse en France et à la révocation de l'édit de Nantes, ainsi que sur les transformations institutionnelles et idéologiques l'accompagnant. ©Electre 2025

L'intérêt pour le consistoire de l'Église wallonne de Rotterdam trouve son origine dans l'étude de la vie de Pierre Bayle et de la réception de son oeuvre au Refuge. On sait que les écrits du philosophe font l'objet de contestations et de réactions hostiles au sein du consistoire. La brouille entre son collègue Pierre Jurieu et lui, dans les années 1690, naît de divergences philosophiques, éthiques et politiques autour du Commentaire philosophique, puis s'envenime lorsque le pasteur se convainc que Bayle est l'auteur de l'Avis aux réfugiés : Bayle se voit accusé de fomenter une « cabale » visant à soutenir les intérêts français à Rotterdam, en lien clandestin avec Genève. Progressivement la polémique dégénère en accusations inquisitoriales contre la doctrine du philosophe. Un temps en sommeil, le contentieux se réveille au moment de la publication du Dictionnaire historique et critique, suscitant à son auteur une seconde affaire devant le consistoire.

Les actes du consistoire de l'Église wallonne de Rotterdam présentent cependant un intérêt qui va au-delà de l'étude de ces crises. Le quart de siècle qui s'écoule entre l'arrivée de Bayle et Jurieu, qui viennent de Sedan (1681), et la mort de Bayle (décembre 1706) - Jurieu, âgé et très affaibli, est alors quasiment neutralisé - correspond à une période au cours de laquelle on assiste à l'essor de cette Église consécutif à la persécution religieuse en France et à la révocation de l'édit de Nantes (1685). Cette évolution et les transformations institutionnelles et idéologiques qui l'accompagnent méritent l'attention des historiens.