La modernité a pénétré depuis deux siècles progressivement les pays dits traditionnels et, de nos jours, on peut estimer que plus la modernité se mondialise, moins elle est occidentale. C'est ce qu'entend démontrer l'auteur, qui s'appuie sur la thèse du progrès sans retour de la philosophie historique de Hegel. ©Electre 2025

Une modernité sans Occident

L'intégration de la technique occidentale, à tous les niveaux de la société, a occidentalisé et contaminé les pays non occidentaux, par le sens que porte la technique moderne et par le savoir-faire occidental qui introduit en parallèle un savoir-être. Ainsi, ces pays se laissent entraîner dans un processus ayant pour effet d'amortir la vivacité de leurs valeurs locales et de leurs traditions. La modernité frappe de l'intérieur et touche l'âme, laissant l'espace de la culture réceptrice entre le passé et le présent, et empêchant toute tentative de retour au passé.

L'extériorisation de la modernité et sa pénétration dans les pays non occidentaux ont introduit des bouleversements structurels sans précédents, et conditionnent de façon irréversible toutes les mutations historiques de ces pays. La mondialisation de la modernité entraîne ainsi les peuples non occidentaux dans une situation de non-retour historique, par un dynamisme dont les racines se trouvent ailleurs que dans les pays concernés. Ce même dynamisme imposé fait naître diverses formes de résistance, dont l'émergence de l'élément intégriste qui revendique un retour au passé, sans savoir qu'aucun retour n'est possible de façon définitive et surtout collective.

L'Asie a déjà fait un premier pas décisif vers la concurrence avec l'Occident et vers un conflit « sans lendemain ». Il est difficile de prédire qui en sortira vainqueur et le fait de prétendre que le vainqueur de demain est inconnu confirme que l'Occident s'est laissé entraîner dans un processus d'incertitude historique. Ce revers constitue sans doute l'élément le plus menaçant que la mondialisation ait présenté au monde occidental depuis son développement.

* Le fait le plus marquant de notre époque est qu'à l'heure actuelle, nous assistons à un processus mondial qui force la modernité à s'écarter de l'Occident. Par conséquent, la présence de la modernité dans le monde n'implique plus nécessairement partout la présence de l'Occident.

* Désormais, la modernité dépasse l'Occident. Ceci marque l'ultime signification et finalement la seule issue de la mondialisation de la modernité.

* Une modernité sans Occident signifie une modernité à la fois mondialisée et localisée qui trahit ses origines en se mondialisant, et en fusionnant avec les valeurs les plus flexibles des cultures non occidentales. Plus la modernité se mondialise, moins elle est occidentale.

* La modernité, dans sa nature première, est d'origine occidentale. Elle est l'oeuvre par excellence du bouleversement philosophique et scientifique de la civilisation européenne entamé dès la fin du Moyen Âge. Tout partage de la modernité mène à une dénaturation de celle-ci. Par conséquent, la mondialisation de la modernité entraîne forcément son déracinement.

* La modernité est unique et historiquement sans précédent. La diffusion des effets de la modernité dans le monde suscite aussi bien la rencontre des cultures que la confrontation des valeurs modernes et traditionnelles dans les pays non occidentaux.