Etude des révolutions conceptuelles ayant marqué le champ de la logique entre 1900 et 1950, à travers les travaux de Bertrand Russell et Rudolf Carnap, qui sont présentés de manière claire et rigoureuse, et situés dans leur contexte. Plutôt que de s'effacer derrière les auteurs étudiés, F. Rivenc n'hésite pas à prendre parti. ©Electre 2025

Le pluriel auquel sont vouées, selon la tradition, les Recherches logiques, se décline ici selon le duel de deux études sur Russell et Carnap, jointes dans l'unité d'une intention. Cette intention - cette interprétation - peut être dite ainsi : l'esprit qui préside à la manière actuelle de «faire de la logique», l'esprit de la théorie des modèles, ne va pas de soi. Il est passible d'une élucidation philosophique qui en dévoile les gestes fondateurs et se déprenne des oublis qui furent ceux, progressifs, de la logique au cours du XX^e siècle.

Ce qui fut oublié, c'est l'universalité de la Logique : une perspective selon laquelle la Logique, à titre de théorie de l'élément théorique en général, héritait en quelque façon du statut problématique depuis toujours reconnu à la philosophie première. L'universalisme logique et ses corrélats - absence de présuppositions du côté du discours comme du côté de l'être, précédence à soi-même -, tel fut pourtant l'horizon dans lequel s'est inscrite la logique mathématique moderne au début de son histoire. Faire revivre l'une des figures les moins connues de l'universalisme, l'universalisme positif, tel est le projet de cet ouvrage.

Associer Russell et Carnap ne surprendra personne : ils sont tous deux des modèles reconnus d'intégrité intellectuelle, de ces rares philosophes capables de changer d'avis. Mais on peut aller plus loin que les unir dans cet éloge : des Principles of Mathematics (1903) à Logische Syntax der Sprache (1934), il s'agit de reconnaître comme l'itération d'une pensée aux limites, l'exploration des possibilités d'un rapport interne de la logique à elle-même. Tel est le programme que tentent d'accomplir ces deux Recherches.

Ne s'agit-il que d'histoire, fût-elle de notre modernité logique ? A l'heure où le «tournant naturaliste» a l'air général en philosophie, il convient peut-être de rappeler que, réalisme ou pas, la théorie ne peut être qu'interne. Et s'il n'y a pas de philosophie première, la faute n'en est pas à chercher du côté de «philosophie» : c'est plutôt que rien ne vient en premier, hormis, de manière paradoxale, les cadres de langage dans lesquels nous tentons obstinément de construire la réalité.