Le récit du parcours de R. Hainaux éclaire sa contribution au théâtre francophone belge. Né en 1918, ce comédien aborde l'art théâtral dans ses diverses dimensions, aussi bien la recherche que la pédagogie. ©Electre 2025

René Hainaux

jouer, enseigner, chercher

Principalement connu comme comédien par le public belge francophone, René Hainaux est accueilli comme brillant chercheur à l'étranger, où on le fête comme l'un des fondateurs de l'Institut International du Théâtre. En Belgique, toute une génération d'hommes et des femmes de théâtre, d'Isabelle Pousseur à Jacques Delcuvellerie, d'Anne-Marie Loop à Christian Crahay, verront à jamais en lui le professeur qui les a mis en selle, au Conservatoire de Liège et à l'Institut National Supérieur des Arts du Spectacle et techniques de diffusion (Insas).

Acteur, pédagogue, chercheur : les trois vies de René Hainaux forment un puzzle passionnant où s'imbriquent la fondation du Théâtre National de Belgique, le renouvellement de la pédagogie dans la formation de l'acteur ou encore la montée en puissance du Jeune Théâtre.

René Hainaux : une énigme de vitalité, d'envie et de désir qui aura emmené plusieurs générations à sa suite, lesquelles savent ce qu'elles doivent à un maître qui n'a jamais voulu en porter le nom - une énigme que ce livre se propose d'explorer, pour garder la mémoire d'une vie hors du commun.

« C'est une histoire qui commence peut-être un peu avant la Guerre 1914 - 1918.
Etienne Hainaux était un des nombreux fils d'un père qui fabriquait des routes. Ce père, Alphonse Hainaux, avait produit une bonne douzaine d'enfants et Etienne était le fils du milieu. Presque tous sont entrés au chemin de fer. A l'époque c'était le moyen le plus sûr de « gagner sa vie », ça n'était pas trop fatigant par rapport à la mine...
De l'autre côté du massif des Ardennes, à Ensival, vivait une dénommée Lucie Lepère, fille d'un très bon menuisier à Ensival.
Comment Etienne et Lucie se sont rencontrés, l'histoire ne le dit pas.
Toujours est-il que Lucie Lepère et Etienne Hainaux ont acheté une maison 24, rue Godin à Ensival, se sont mariés et... la Guerre 14 - 18 éclata.
Notre Etienne, devenu soldat, gardait le Fort de Namur quand il fut blessé par une balle qui lui traversa le mollet. Cette blessure fut un bon prétexte pour le garder dans le chemin de fer comme chef garde. Les Français ont donc embarqué Etienne et l'ont mis au bout d'une ligne, à Bressuire, en France.
L'événement héroïque de cette histoire fut lorsque Lucie Lepère, jeune mariée, mit fin à cette séparation forcée et décida d'aller rejoindre son époux. Mais entre Lucie et Etienne se dressaient deux armées. Une française et une allemande. Franchir cette ligne de front était considéré comme impossible. Il fallait la contourner.
Notre Lucie, déterminée, monta vers la Hollande à travers la Belgique occupée en traversant des fils barbelés qui empêchaient la circulation. En Hollande, elle trouva un bateau torpillable qui l'emmena vers l'Angleterre. On tuait beaucoup et la guerre était impitoyable. Les bateaux étaient régulièrement coulés. Mais cela n'arrêta pas notre Lucie. Une fois en Angleterre, elle trouva un bateau qui allait d'Angleterre au Nord-Ouest de la France, vers la Normandie. C'est ainsi que Lucie alla rejoindre Etienne au bout de sa ligne. Et c'est là, à Thouars-Deux-Sèvres (Poitou-Charentes), que fut conçu un fils, un fils unique, René Hainaux.
Sans cette entreprise héroïque, l'histoire qui va suivre n'aurait pas eu lieu, et dans la famille on en parlait comme d'une légende. »
Françoise Ponthier