Dialogue en forme de pièce de théâtre dans laquelle les deux personnages évoluent dans un monde imaginaire où ils iront aux extrêmes limites de leurs émotions et de leurs tourments passionnels. ©Electre 2025

Il y a des textes qui ne nous quittent plus parce qu'il suffit de les traverser pour qu'avec eux s'ouvrent des perspectives aussi inattendues qu'inédites sur ce qui nous tient au plus près du vide au coeur de la vie. De tels textes éveillent en nous craintes et vertiges dès lors que nous les retrouvons là où nous ne voulions pas les attendre, là où nous refusions de les entendre. Certains de ceux-ci, et c'est sans aucun doute le cas de ce dialogue en forme de pièce de théâtre d'Anne Bourlond, nous conduisent aux points les plus obscurs comme aux limites les plus sensibles de nos émotions et de nos tourments passionnels. Ils pointent en direction de ce difficile partage entre le dehors et le dedans chez ces êtres qui se révèlent hors normes, c'est-à-dire vers ce croisement où les sentiment éprouvés viendront nourrir celui d'étrangeté provoqué par une indétermination du singulier ou par une identité problématique imaginant sa propre mutation. De tels textes attisent l'intensité de nos manques réitérés comme ils cherchent à capter ces regards vacants dans leur dérive, comme pour nous divulguer autant que pour approfondir les contingences de nos solitudes sous la nudité des abîmes présents en toutes nos attentes. Ainsi, innervent-ils les fils dissimulés du désir pour provoquer ces sensations électives que la mise en texte ne saurait réduire à un simple exercice littéraire.

Pierre-Yves Soucy

Subtiliser à leur insu aux êtres que l'on croise au hasard dans les lieux publics des bribes de leur vie et de leurs émotions pour en quelque sorte réinventer leur histoire ou mieux, pour en multiplier les versions, et voilà le lecteur transporté dans un univers étrange qui peu à peu lui devient familier. Une étonnante énergie traverse le texte d'Anne Bourlond où les deux personnages nous entraînent dans un monde imaginaire et transparent où tout est inventé de leur rencontre pour, peut-être, combler quelque peu tout ce que la mémoire avait définitivement perdu.

Les illustrations d'Anne Gilsoul, reproduisent des gravures originales créées spécialement pour cette édition.