Présentation de l'oeuvre du mathématicien français Girard Desargues, notamment son travail sur la conception de l'espace et sur le principe de dualité polaire. ©Electre 2025

Desargues, Théoricien et praticien de la perspective

Girard Desargues est l'un des plus grands mathématiciens que la France ait comptés. Fondateur de la géométrie projective, il révolutionna la conception de l'espace par l'introduction d'éléments à l'infini qui montraient la possibilité de traiter de manière rigoureusement analogue sécantes et parallèles. Grâce aux notions d'arbre, d'involution et d'homologie, il met en évidence un résultat fondamental : le principe de dualité polaire.

Ses découvertes - à commencer par le célèbre théorème de Desargues - inaugurent une méthode de travail originale et profonde invitant le géomètre à se placer dans une dimension supérieure pour faire apparaître des propriétés de l'espace de dimension inférieure. Cette manière de faire est caractéristique de l'esprit qui préside en propre à la généralisation mathématique : non point accroissement extensif, mais montée dans la complexité permettant de mieux faire ressortir tout à la fois l'unité commune et les particularités propres aux structures examinées, particularités qui demeurent invisibles lorsqu'on considère ces structures à un niveau plus élémentaire. Cette émergence du point de vue de l'insertion (considérer les propriétés des objets en les rapportant à un espace ambiant plus général : ici l'espace tridimensionnel) est corrélative de la mise en avant du point de vue intrinsèque sur les objets (considérer les propriétés des objets indépendamment de leur position dans l'espace, sans les référer à un système de coordonnées privilégié). Chez Desargues, cette manière de faire reçoit un nom : c'est la « géométrie de la géométrie ». Elle consiste à se bien placer pour voir correctement, et discerner ainsi l'unité générique des objets. Cette vision synthétique et intégrale confère à la méthode sa puissance, en même temps qu'elle redonne à la perspective toute sa signification théorique. Mais cet art de la situation dont parlera Leibniz impose une autre « manière » et Desargues esquisse une théorie du comportement de l'entendement en géométrie, qu'il faut bien nommer avec Descartes une « Métaphysique de la géométrie ».