Un coup de coeur de Anthony G.
Rien ne prédisposait l'avocat aux idées révolutionnaires. Fervent catholique et plutôt monarchiste, il s'émancipa de son milieu modeste par l'étude des lettres classiques puis consacra une grande partie de sa carrière à gérer les affaires d'une famille de nobles. D'une grande loyauté, il maintiendra une relation amicale voire paternelle avec les frères de Longaunay (respectivement duc et marquis) y compris durant et après la Révolution. Toute sa vie ou presque, il montrera du respect voire de l'affection pour le Roi Louis XVI en même temps qu'un désintérêt pour les Lumières et un certain mépris du peuple.
Pourtant, comme inexorablement embarqué par la ferveur populaire, il finira par s'enthousiasmer pour les idées révolutionnaires jusqu'à lui-même prendre part à certaines actions. Parce qu'au delà des idées ou des affects, Louis-Joseph Colson fut aussi un être situé, socialement et géographiquement. En ce sens, celui-ci a été fortement influencé par la vie de son quartier et par les gens qu'il côtoyait au quotidien et, pour ainsi dire, l'air révolutionnaire qu'il respirait finit par lui emplir les poumons. Mais si la Révolution le séduisait, ce n'était « pas au sens où elle désignait un grand schéma de transformation du gouvernement, de la religion ou de la société en général, mais au sens plus concret où elle offrait des possibilités d'amélioration de la vie quotidienne ».
En plus d'avoir les deux pieds ancrés sur le sol du réel, on pourrait aussi expliquer le soutien qu'apportait Colson aux classes populaires par son christianisme. Et même, pourquoi pas, aller plus loin en estimant que sa foi religieuse était chez lui ce qui primait avant tout le reste et qui explique, aux regards extérieurs, une apparente inconstance ou indécision. Car après le temps de l'utopie révolutionnaire vint celui du spleen et des désillusions. « Les cloches des églises de Paris, tellement présentes dans la vie quotidienne, s'étaient tues » pour être fondues puis transformées en canons. Et on ne peut qu'imaginer l'amertume que ce bouleversement laissa au cœur de Colson et de quelques autres.
Jours de gloire et de tristesse : ainsi fut vécue la Révolution par l'ordinaire Colson et l'extraordinaire récit qu'en fait Thimothy Tackett nous permet d'aborder cette épisode décisif de l'Histoire par le prisme inédit de l'échelle humaine.