Ce nouveau roman de Hugues Pagan est un diamant noir
Hugues Pagan est de retour, et avec lui son personnage fétiche, l'inspecteur principal Claude Schneider, flic pugnace et désabusé. Votre libraire, fan de la première heure, se délecte des premières pages, heureux de retrouver l'univers singulier de l'auteur. Car un livre de Pagan, avant même l'histoire, c'est d'abord un style, une écriture ciselée, la beauté d'une image sur laquelle on s'arrête. Schneider est là, en train de courir à petites foulées, traversant le paysage. On le contemple avec lui : "L'automne venait, les fougères brunissaient, prenaient des couleurs fauves comme un dos de renard. De manière pensive, comme distants, les acacias commençaient à semer à leurs pieds des sequins d'or mince. Il y avait aussi le pourpre des merisiers, l'orange exubérant des érables, la rouille qui s'emparait des marronniers dont les feuilles racornies semblaient de sombres pattes griffues encore accrochées aux branches noircies. Figée entre deux eaux, une sombre silhouette fusiforme semblant épouser la courbure de la berge, le long museau au ras de la surface et la nageoire caudale se perdant dans la pénombre, quelque chose le contemplait d'un oeil impassible et distant, avec une curieuse fixité. Schneider reconnut un gros brochet, qui ne devait pas faire loin du mètre. Il n'y connaissait pas grand-chose en la matière, mais il lui vint à l'idée que lui aussi cherchait la lumière, la dernière et trouble clarté du jour finissant. Un large iris d'un noir opaque, cerclé d'un mince anneau d'or vif le fixait avec une singulière dureté".
L'amosphère d'un grand roman noir se met en place. L'intrigue démarre avec un coup de fil informant la police d'un incendie qui fait rage rue de la Chouette. Un ancien atelier d'ébénisterie a pris feu. Tout le quartier pourrait brûler. Sur les lieux, Schneider et son équipe apprennent très vite qu'il ne s'agit pas d'un incendie accidentel : il y a eu deux départs de feux distincts, un à chaque bout de l'entrepôt. Sous le plancher effondré du rez-de-chaussée, trois corps calcinés forment une sorte de monticule indisctinct qui fume encore lorsque Schneider s'approche...
Le lendemain, un homme puant l'alcool se présente de lui-même au commissariat. Gabriel Fonseca, français d'origine portugaise, travaillant dans le bâtiment. Il s'accuse d'être l'auteur de l'incendie, avec son beau-frère qui a fini à la morgue (il est l'un des trois cadavres calcinés). Une soirée de picole, un marché avec un inconnu. Schneider l'interroge :
"- Pourquoi tu as accepté ?
- Le mec nous a donné cinq cents francs chacun. D'après lui, il n'y avait personne dedans. Que c'était abandonné depuis perpète-les-oies. Cinq cents francs, ça fait du pognon."
Dès lors, Schneider et son équipe n'auront de cesse d'essayer opiniâtrement de resserrer leurs filets autour du commanditaire dont il leur faut trouver l'identité...
Les méandres de l'enquête ont tenu votre libraire en haleine, mais chut, n'en disons pas plus, si ce n'est que ce nouveau roman de Pagan, somptueusement écrit, est un diamant noir.