Un coup de coeur de Anthony G.
Et bien sûr Wagner ! Le romantisme voire la « sensiblerie » du roi fut un terreau fertile pour le Wagnérisme. À travers de longues et brillantes pages et s'appuyant sur Nietzsche, Bainville raconte et analyse la relation entre le musicien révolutionnaire sans le sou et le roi esthète qui deviendra son mécène au meilleur des moments. Deuxième grande passion de Louis II : les châteaux. Tout à la fois refuges à sa misanthropie et décor pour son imaginaire, celui qui avait en horreur le laid en même temps qu'une certaine folie des grandeurs en multiplia les constructions (dont nous pouvons encore admirer la fantaisie aujourd'hui et dont l'une d'entre elles servira d'inspiration à Disney jusqu'à son logo).
Esthète, solitaire, mécène, ermite, ami proche de Wagner et de Sissi, possible névrosé... Toutes ces facettes de personnalité contribuent à la légende du personnage et sont abordés sans détour par un Jacques Bainville non dépourvu d'esprit critique mais dont la qualité d'écriture ne fait qu'étoffer le mythe presque involontairement. L'aptitude du Roi de Bavière que l'on connait moins et que l'on prend plaisir à découvrir est celle de la stratégie politique. Certes toujours un peu en dilettante ou de mauvaise grâce, le souverain fut contraint de prendre des décisions importantes dans des moments cruciaux de l'Histoire de l'Allemagne. Bien que relativement désengagé de la politique, il n'en était pas pour autant dénué de convictions ou de finesse d'analyse. Et c'est en partie à lui que l'on doit l'unification de l'Allemagne et la structure politique qui est la sienne aujourd'hui.
Pris dans l'Histoire malgré lui, fuyant la médiocrité du temps présent et du quotidien, Louis II de Bavière fut donc un roi perché, fasciné par la mythologie wagnérienne et amoureux transi du beau et des châteaux, jusqu'à la folie... « Quiconque ne vit pas, ne pense pas de la même façon que ses contemporains, risque de passer pour fou. Louis II s'était trop largement donné le plaisir de se comporter selon sa fantaisie et sans consulter la mode et les usages pour ne pas payer cette rançon. »
Du reste, le portrait que fait Jacques Bainville de cet Hamlet-Roi est un très grand plaisir de lecture !