Essai questionnant l'expérience du spectateur théâtral face à la disparition de l’acteur et à l’apparition de ses doubles artificiels. A travers l'étude de trois oeuvres, Les Aveugles de D. Marleau, Stifters Dinge de H. Goebbels, et Re:Walden de J.-F. Peyret, l'auteur interroge la frontière entre le vivant et l'artificiel, le déclin de l'humanisme et l'effondrement écologique. ©Electre 2025

Le théâtre de la disparition de l'homme

Écarter l'être vivant de la scène ?

Des créatures artificielles, robots, avatars et autres doubles semblent prendre vie sur la scène et les écrans, à la manière de nouvelles formes de marionnettes. L'acteur est-il l'objet d'une nouvelle mise en cause radicale, un siècle après Maeterlinck, Jarry et Craig ? Un trouble gagne, le spectateur : quel type d'expérience suscite en lui la mise en retrait de l'acteur, quand celui-ci vient à disparaître derrière d'étranges machines qui ont « l'allure de la vie, sans avoir la vie » ? Cela pourrait-il bouleverser l'art si ancien et universel du théâtre ? L'acteur en chair et en os restera-t-il indispensable ?

Cet ouvrage s'ouvre sur trois événements scéniques qui, à l'orée du XXI^e siècle, ont suscité chez les spectateurs une expérience inédite : Les Aveugles de Denis Marleau, Stifters Dirige de Heiner Goebbels, et Re ; Walden de Jean-François Peyret. Ce corpus, enrichi de nombreux exemples, de Samuel Beckett et Claude Régy à Gisèle Vienne et Oriza Hirata, suit un fil conducteur : l'homme n'y occupe plus la place centrale, comme s'il s'agissait de se transporter, par la magie de la scène, dans un monde étrange - qui est peut-être celui de notre futur proche, où nos certitudes vacillent. Le « théâtre de la disparition de l'homme » est ainsi une façon de revisiter les fondements ancestraux du théâtre, à notre époque où l'être humain est en danger de disparaître.

Pour explorer cela, l'auteur s'intéresse aussi bien à la scénographie, à la dramaturgie, à la relation entre acteur et spectateur, qu'aux passerelles renouvelées entre théâtre, cinéma et réalité virtuelle, et aux surprenantes machineries qui transfigurent le dispositif scénique en une anamorphose éminemment troublante de l'être humain d'aujourd'hui.