Un coup de coeur de Alexandre Delacotte
Le mystère qui entoure le photographe chilien vient certainement du fait qu'il arrêta jeune de publier son travail photographique. Cette décision personnelle engendra une grande incompréhension chez ses pairs, comme chez Koudelka avec qui il s'entretenait régulièrement. Catalina Mena montre que cette rupture vient surtout d'une grande opposition de Sergio Larrain au mode de vie de sa famille imposé par son père. Son père vivait dans une forme d'opulence et de luxe. Le jeune photographe ne pouvait l'accepter. En effet, en 1951 année où il prit la majeure partie de ses photographies de Santiago, la ville comptait plus de 300 000 analphabètes, et sur 1000 nouveaux-nés, on comptait 150 décès. Selon sa nièce, cette situation perturbait le photographe au point que celle-ci devenait intolérable pour lui. L'abus de pouvoir et l'oubli de plus fragiles l’empêchaient de continuer à mener sa vie à Santiago. Il se retira dans un village du Chili, cette retraite accentua le mystère autour de lui puisqu'il se rapprocha d'un gourou et qu'il sembla donner des leçons de vie à l'ensemble de son entourage.
Cette biographie permet aussi d'appréhender le regard que portait Sergio Larrain sur la photographie et les photographes de son temps, tels que Ernst Haas, Cartier-Bresson... Il reconnaît chez Cartier-Bresson "une évaluation immédiate des relations et des distances", chez Haas "une habileté à reconnaître ce que nous avons déjà vu et à faire en sorte que les autres le voient". Il dira dans un entretien : "C'est en moi-même que je cherche les photographies, quand l'appareil à la main, je jette un œil au-dehors. Je peux matérialiser ce monde de fantômes lorsque je rencontre quelque chose qui résonne en moi. La réalité visible est le fondement du processus photographique, et le jeu consistant à organiser un rectangle : la géométrie. Le rectangle dans la main, c'est ce que je cherche. La photographie : ce qui est donné par la géométrie, le sujet."
Catalina Mena signe un texte juste, touchant et qui interroge, publié chez Xavier Barral.