Un coup de coeur de Véronique M.
“Baise m’encor, rebaise moy et baise : / Donne m’en un de tes plus savoureux, / Donne m’en un de tes plus amoureux : / Je t’en rendray quatre plus chaus que braise”
Puis on peut découvrir en miroir une extase analogue, assumée par la poétesse d’origine syrienne Maram al-Masri qui, exilée en France, revendique au XXIe siècle “une bouche qui raconte des histoires / qui clame des poèmes (...) une bouche qui désire / qui embrasse / et jouit”.
Longtemps bridées par les hommes censurant leur plaisir, quand ils ne se mettaient pas à leur place pour l’évoquer, les femmes réunies dans ce recueil prennent tous les risques pour affirmer ce droit universel et singulier à travers une écriture défaite de tout carcan, intensément charnelle et incendiaire comme le confesse sans détour dès 1957 la poétesse iranienne Forough Farrokhzad dans ce poème remis en lumière récemment dans le roman d’Abnousse Shalmani (“J’ai péché, péché dans le plaisir” chez Grasset) puis dans l’émission “La grande librairie” :
“J’ai péché
J’ai péché dans une telle extase
Dans une étreinte chaude incandescente (...)
Je te désire toi amour de mon âme
Je te désire toi étreinte essentielle
Je te désire
Toi mon amour fou (...)
J’ai péché avec tant de plaisir (...)”
Dans un poème actuel et inédit, Marie Pavlenko semble donner voix et corps à toutes ces femmes :
“nous sommes le pays / immense / la terre ferme / la terre promise (...) je te prête mon corps vibrant braise bûcher / je suis le pays / immense / un pays de chair et de sang / le pays infini / immense (...) ferme les yeux / enlace-moi / ta peau au goût de soleil / sous mes doigts / irradie”
Si certains poèmes amusent (il faut lire Rim Battal dans “Une fille facile” page 72 ou encore Coline Pierré dans “Viens là” page 75-77), d’autres rappellent la force originelle d’éros, cette pulsion de création, de vie et de (petite) mort, rappelée par la poétesse Audre Lorde en 1978 :
“mon corps / grave dans ta chair / le poème / que tu fais de moi.
En te touchant je décroche l’heure magique / tandis que des feux de lune m’emplissent la gorge / je t’aime chair qui s’épanouit / je t’ai créée / et je t’ai prise recréée / en moi.”