Un coup de coeur de Vincent D.
La sulfateuse est rangée dans le présent volume, même si Richard Strauss en prend pour son grade.
Question posée : "Faites vous preuve de tolérance pour les opéras de R. Strauss ?"
Réponse: " Le seul endroit où je les tolère c'est au purgatoire où l'on châtie la banalité satisfaite."
Tout cela est charmant et nous change des entretiens avec des compositeurs américains, toujours enclins à (sur)positiver lorsqu'ils évoquent des confrères ou des interprètes.
Il serait faux de penser, malgré tout, que cet ouvrage d'entretiens n'est que fiel et déboulonnage. On ne peut nier une certaine arrogance chez Stravinsky mais il fait preuve, aussi, de beaucoup d'empathie et de respect pour des compositeurs que l'on n'attendait pas à être cités dans ces feuilles. Je pense à Erik Satie, Claude Debussy ou encore Pierre Boulez dont on sent une admiration non feinte pour "Le marteau sans maître".
Les propos sur les compositeurs de l'Ecole de Vienne ( Alan Berg, Arnold Schoenberg, Anton Webern) sont admirables et pertinents. Le respect qu'il porte aux génies (même si ce terme le révulse) de la polyphonie italienne (Claudio Monteverdi, Carlo Gesualdo) et Franco-Flamande (Josquin Des Pres, Johaness Ockeghem) de la Renaissance, est réjouissant. Tout l'aspect musicologique abordé dans ce livre, la révolution harmonique, le règne de la non-mélodie, l'avenir du sérialisme entre autres, est passionnant.
A la fin de l'ouvrage, l'ami et chef d'orchestre, Robert Craft lui demande de pronostiquer la musique du futur (Stravinsky est mort en 1971). La réponse est croustillante: "On peut imaginer qu'il existera des sonates électroniques que l'auditeur aura soin de compléter".
Aurait-il pressenti la main mise de l'Intelligence artificielle sur nos découvertes musicales à venir ?