Chargement...
Chargement...

Désaliénation : politique de la psychiatrie : Tosquelles, Fanon, Guattari, Foucault

Auteur : Camille Robcis


Un coup de coeur de Marion B.

Cette histoire intellectuelle d'une autre politique de la folie nous montre qu'il est "possible d'envisager que la psychothérapie institutionnelle puisse nous proposer quelques outils utiles pour établir un diagnostic de notre présente condition".
1939, François Tosquelles, psychiatre, révolutionnaire et combattant antifasciste lors de la guerre civile espagnole est interné au camp de Judes près de Montauban comme nombres de réfugiés espagnols. Une expérience concentrationnaire qui l'amène à travailler au chevet d'hommes et de femmes traumatisés et à "comparer sa condition de prisonnier à celle des malades mentaux". Son travail est remarqué et sa réputation parvient jusqu'aux oreilles du psychiatre Paul Balvet qui l'invite la même année, et avec l'aval des autorités, à venir exercer dans l'asile de Saint-Alban dont il assure l'administration. Sur place, dans un lieu dévasté par la guerre, le manque de moyens et la négligence humaine, Tosquelles et ses équipes opèrent une véritable révolution du soin psychique que l'on connait encore sous le nom de psychothérapie institutionnelle. 
 
Inspiré par la psychanalyse, la phénoménologie et les théories de Canguilhem sur le normal et le pathologique, rejetant l'approche biologique et réductrice de la psychiatrie traditionnelle et dominante, il pose la question de savoir si "la conception de la "maladie" épuise tout le sens de l'aliénation mentale". Partant de là, Tosquelles défend deux idées principales. La première est que l'aliénation mentale est toujours aussi pour le malade une aliénation sociale et politique, que la maladie si elle est individuelle a toujours une dimension collective. La seconde est qu'il existe une forme d'aliénation sociale et politique née de notre désir de "servitude volontaire" envers toute forme d'autoritarisme et que celle-ci concerne l'ensemble de la société. De ce fait, du point de vue psychiatrique, soigner les malades mentaux exige de soigner en même temps l'institution en tant que telle si l'on veut éviter sa dérive inherente vers une logique "concentrationnaire" ou du "tout-pouvoir". Tosquelles, accompagné de Lucien Bonnafé et bien d'autres compagnons de route, cherche à établir à Saint-Alban - en plein régime de Vichy- un état de "révolution permanente de la politique, de la société et de la vie psychique". Production alimentaire, théâtrale et artistique, création d'une bibliothèque, d'un journal et d'un club, hiérarchie horizontale et temporaire entre soignés et soignants, expression d'une véritable vie démocratique... réhumanisent les malades et soignent la vie sociale de l'hôpital. En effet, "les différentes activités de l'hôpital [...] [on]t toutes pour objectif de mettre en lumière les processus inconscients, de cristalliser les relations transférentielles, de canaliser les confrontations, les agressions, les désirs, dans l'espoir de faciliter le développement d'un collectif plus autonome." L'hopital se veut ainsi "un espace pour penser ces questions et tenter de les résoudre". Artistes, intellectuels et psychiatres viennent séjourner à Saint-Alban pour se former à ces nouvelles formes de vie et de soin jusqu'à transplanter cette proposition théorique et pratique dans d'autres milieux comme à La Borde sous la houlette de Jean Oury ou en Afrique du Nord sous celle de Frantz Fanon.
 
Trois figures en particulier se détachent de ce fonds animé : Frantz Fanon qui se forme à Saint-Alban et développera à partir de cette expérience la réflexion que l'on connait sur la condition des colonisés, Félix Guattari qui travaille plusieurs décennies à l'asile de La Borde et y trouve le matériau pour développer sa théorie de l'analyse institutionnelle et Michel Foucault qui, sans avoir été impliqué concrètement dans aucun des deux projets et ayant formulé de nombreuses critiques à leur égard, a neanmoins été durablement influencé par eux dans son élaboration "d'une nouvelle théorie du pouvoir". Chacun à leur façon, ils ont repris à leur compte l'idée fondamentale au coeur de la psychothérapie institutionnelle à savoir que l'aliénation nous concerne tous et est toujours à la fois psychologique, sociale et politique. Partant de là, ils ont cherché sans relâche à résoudre le problème de faire advenir des institutions (psychiatriques donc mais aussi sociales et politiques) désaliénées et désaliénantes.
 
Alors que de nos jours "les problèmes de concentrationnisme, d'occupation, d'expropriation, d'aliénation [...] continuent d'habiter notre imaginaire et notre actualité politiques", cette histoire intellectuelle d'une autre politique de la folie nous montre qu'il est "possible d'envisager que la psychothérapie institutionnelle puisse nous proposer quelques outils utiles pour établir un diagnostic de notre présente condition".
21,50 €
Chargement...
Livraison à partir de 0,01 €
-5 % Retrait en magasin avec la carte Mollat
en savoir plus

Résumé

L'histoire de la psychothérapie institutionnelle, une pratique clinique, sociale et philosophique qui défend la dimension humaine de la folie, à travers quatre figures : F. Tosquelles, un de ses fondateurs, F. Fanon, qui y trouve confirmation de ses premiers travaux, F. Guattari, qui l'utilise pour penser les phénomènes sociaux, et M. Foucault, compagnon de route méconnu du mouvement. ©Electre 2025

Désaliénation

Alors que le régime de Vichy laisse mourir les « fous » dans les asiles et que les fascismes prospèrent, se déploie à Saint-Alban (Lozère), autour de François Tosquelles, une expérience absolument originale, qu'on appelle psychothérapie institutionnelle : une pratique indissociablement clinique et politique forgée pour nous garder de toutes les forces « concentrationnaires », par nature aliénantes, et défendre la dimension humaine de la folie.

Ce livre passionnant retrace l'histoire intellectuelle du groupe de médecins, psychiatres et penseurs rassemblés dans ce projet par leur insatisfaction vis-à-vis de la psychiatrie dominante et leurs convictions politiques, de l'antifascisme à l'anticolonialisme. De façon très originale, il s'arrête sur quatre de ses figures essentielles : François Tosquelles, Frantz Fanon, Félix Guattari et Michel Foucault, pour explorer la conversation, pas toujours repérable, qui s'est développée entre eux. Il retrace aussi les expériences de ce champ qui n'a cessé de se réinventer, et montre les influences réciproques que celui-ci a tissées avec la psychanalyse, la sociologie, la philosophie, l'art...

En déterritorialisant la psychiatrie, la psychothérapie institutionnelle a montré la puissance de l'inconscient en politique, et ce livre stimulant éveille d'autres imaginaires dans ce domaine.

Contenus Mollat en relation

Sélections de livres

Chargement...

Sélections de livres

Chargement...

Sélections de livres

Chargement...

Fiche Technique

Paru le : 16/02/2024

Thématique : Dictionnaires Médecine

Auteur(s) : Auteur : Camille Robcis

Éditeur(s) : Seuil

Collection(s) : La couleur des idées

Contributeur(s) : Traducteur : Patrick Di Mascio

Série(s) : Non précisé.

ISBN : 978-2-02-151955-6

EAN13 : 9782021519556

Reliure : Broché

Pages : 295

Hauteur: 23.0 cm / Largeur 15.0 cm


Épaisseur: 2.1 cm

Poids: 330 g