Un coup de coeur de Libraires BD - Manga
Spirou est mort, vive Spirou !
C’est en décidant de briser les frontières du quatrième mur que cet album débute. Spirou, Fantasio et Spip sont en retard pour fêter le centième anniversaire des éditions Dupuis. Nos chers compères sont en vacances, et après avoir profité d’une nuit au camping et rendu visite au comte de Champignac, les deux amis sont interloqués par un article écrit par Sécotine sur la cité sous-marine de Korallion. Nouvelle attraction touristique s’affranchissant des frontières du capitalisme et de toute scission sociale, la cité est un havre de paix qui en réalité cache un bien plus lourd secret. Ni une ni deux, nos deux aventuriers de l’extrême entament une enquête qui ne les laissera pas indemnes et ce n’est pas peu dire.
Suite officielle de l’album La colère du Marsupilami sorti en 2016, ce La mort de Spirou introduit la dimension du “spirou-verse” incluant donc une continuité principale avec les 56 albums des Aventures de Spirou et Fantasio, et une continuité parallèle avec les album d’Emile Bravo prenant place pendant la seconde guerre mondiale mais également les one-shot hors univers comme Pacific Palace de Christian Durieux. Tout cela pour vous dire que ce qui se passe dans ce volume 56 est donc le canon principal de Spirou et que sa mort est donc irrévocable.
Qui pour reprendre la casquette de groom de Spirou ? Quel nouveau duo sera au cœur des nouvelles aventures à suivre ? Tout cela vous le découvrirez dans les pages de La mort de Spirou.
Autre point d’importance, les thèmes développés tout au long de l’album. La cité sous-marine de Korallion est un havre de tranquillité ou des personnes de tous horizons peuvent venir se prélasser en découvrant le fond de nos beaux océans pour des vacances à l'apparence idyllique. Mais la vérité est bien plus dure : utilisation abusive des nouvelles technologies, pollution des fonds marins et dissimulation au nom des grandes entreprises, le journalisme abusé et aveuglé… Tant de sujets mis en exergue reflet de notre époque. Spirou est ici un témoin de la déchéance programmée de l’Homme au nom de son bien être au risque de détruire prématurément ce qui pourrait le préserver.
Sophie Guerrive (maman du petit ours Tulipe aux éditions 2024) et Benjamin Abitan nous offrent ici une fable moderne (aux forts accents d’un certain Bioshock) et prennent un risque osé : celui de tuer une icône en souhaitant perpétuer un héritage tout en bousculant les codes. Jamais, ou qu’à de très rares occasions (comme avec le “soft-reboot” de XIII dans le volume 27 Mémoire rechargée) la bande dessinée franco-belge n’aura autant eu la volonté de bousculer l’image établie d’une telle icône même en étant reprise par de nouveaux artistes (en témoigne les nouvelles sorties de (l’excellent) Blake et Mortimer, Astérix ou encore Yoko Tsuno).
Spirou le groom nous a quittés mais quelqu’un d’autre est présent pour reprendre le flambeau. Rendez-vous dans les prochaines pages du “Journal de Spirou” et dans un avenir proche en librairie.
Soyez-en sur l’avenir de la mascotte de Dupuis n’est pas prêt de ployer. Gloire à Spirou !