Contributions pluridisciplinaires rendant hommage au géographe français, haut fonctionnaire, universitaire et l'un des initiateurs du concept d'espace vécu. Les auteurs examinent cette notion, abordent son engagement pour un enseignement accessible à tous, ainsi que ses recherches concernant les évolutions sociales contemporaines et la géographie. ©Electre 2025

Un géographe dans le siècle

Enseignant admiré des étudiants, l'un des initiateurs du concept d'espace vécu, haut fonctionnaire et universitaire engagé au service d'une éducation pour tous, au cours d'une carrière de plus de 60 ans, Armand Frémont, écrivain, nous invite à mettre en perspective, au- delà de la géographie, les évolutions sociales contemporaines et à interroger la place des universitaires dans nos sociétés.

Dans une lettre (non publiée) adressée en 1992 à son ancien instituteur de Gainneville, commune rurale du Pays de Caux havrais, imaginant un dialogue avec le petit Prince de Saint-Exupéry, Armand Frémont écrit :

« Le paysage des géographes est à toi si tu le veux. Il est à toi, par une lente appropriation, de tes premiers pas et de tes premiers regards jusqu' à ta mort, si tu veux bien voir, entendre, percevoir, comprendre, et comprendre les autres avec cela. À toi, avec l'histoire et la nature en sus, cette petite place de ton enfance autour de la fontaine d'où l'eau fraîche coulait comme d'une source. À toi vieil homme, par la fenêtre ouverte, cette modeste vallée aux courbes infinies, verte sous les grands arbres et les haies, charmante comme une pie qui picore des poires tombées. Un paysage est le produit de la culture en un lieu, sur un espace humanisé... Pour bien comprendre il faudrait tout connaître, et pas seulement ce qui se voit, les sols et les climats, les reliefs et les plantes, mais aussi l'histoire des hommes, leur organisation sociale, leur économie, leur genre de vie, peut-être bien aussi leur religion, peut-être bien même leurs sentiments, parce qu'ils ont peur ou qu'ils sont heureux, parce qu'ils s'imposent aux autres ou qu'ils se referment sur eux-mêmes, parce qu'ils veulent vivre toujours ici ou qu'ils rêvent d'ailleurs...»