Un coup de coeur de Anthony G.
Ces écarts dans le texte sont autant d'occasions d'apprécier l'humour irrévérencieux et les réflexions métaphysiques de notre apprenti sniper. Citons, en guise d'exemple, une seule scène (digne du fameux "épisode de la mouche" de la non moins fameuse série télévisée Breaking Bad). Alors qu’il pénètre dans une de ces cabines sanitaires de chantier posée en plein désert, Patrick Declerck tombe nez à nez avec un lézard tout ce qu’il y a de plus arizonien dans sa constitution (c'est à dire d'une taille absolument démesurée). Démarre alors, et s’étend sur plusieurs pages, une lutte sans merci visant non pas tant à déloger le locataire qu’à lui éviter l’humiliation suprême de tomber dans la « mare à fèces ». Un moment confraternel et absurde à la fois.
Paradoxalement, puisque ce stage d'apprentissage consiste, concrètement, à se familiariser avec le meurtre froid, tout dans le texte dénote d’un instinct puissant : « éviter le pire possiblement immédiat et forcer la mort à reculer encore une heure, une nuit, un jour (…) retarder la glissade ». « Ergoter sur des détails » (selon les mots de l’auteur) revient ainsi à célébrer la matière. Jouer à la guerre revient ainsi, par effet contraste, à célébrer la vie.
« Et je m'incline devant la beauté de la voie lactée lorsque j'ai la rare chance de l'apercevoir dans toute sa grâce. C'est ma manière à moi de chanter le constant émerveillement du monde. »