Un coup de coeur de Rayon Religions
Au travers de trois personnages funambules luttant contre la chute du déclassement, de l’extrême précarité et de l’hypocrisie sociale, dont les rêves se voient toujours plus ravagés par le marché d’une perpétuelle auto-promotion de soi, l’auteur dénonce ici les conséquences folles d’existences portées au simple rang de vulgaires produits marketing. Mélanie est une jeune scientifique et doctorante en errance, démunie de toute reconnaissance intellectuelle concrète, qui malgré tous ses efforts demeure une grande oubliée des systèmes universitaires contemporains à ce jour si disloqués, appauvris ; Lucas, lui, incarne là un “Hikikomori*” version française reclus dans sa chambre d’adolescent, incapable de tout contact avec le dehors, disposant de son ordinateur pour seule fenêtre sur le monde anxiogène qui l’entoure ; et Michel représente le stéréotype d’un chirurgien esthétique sur le déclin bien qu’insatiablement à l’affût des vices et des faiblesses des autres. De sa plume grinçante, empreinte d’américanismes à la mode, de punchlines et autres détours de phrases ficelés de perspicacité, l’auteur trame le destin de ses trois caractères qu’à priori tout oppose. En effet miroir avec l'allégresse infinie du fameux et joyeux tableau de Bruegel, intitulé “La Danse de la mariée en plein air”, peint en 1566, et sur lequel s’ouvre ce roman, l’auteur brosse ici le terrible portrait d’un monde “regorgeant d’amis insupportables et d’ennemis brillants”.
Entre zooms et dézooms, Thomas Rosier fait habilement glisser le champ de caméra d’une scène à l’autre pour y exposer la pauvreté comme une nouvelle perspective de profits, la marginalité comme un nouveau marché potentiel, et le désespoir humain comme une nouvelle valeur financière. Entre l’acuité d’une lecture critique sans détour et le piquant d’une “génération Saez”, “Un Monde De Salauds Souriants” pousse le capitalisme jusqu’à son paroxysme. Un premier roman coup de poing, une caricature non loin d’une certaine réalité à ne pas louper!
L'Hikikomori* se manifeste par un mode de vie centré sur le domicile, un intérêt ou un désir nuls pour l'école ou le travail, et la persistance des symptômes depuis plus de six mois. Le phénomène est surtout observé au Japon.