Un coup de coeur de Libraires
S’adonner à la contemplation, à la méditation par la seule lecture de quelques photographies et d’un ouvrage somptueux (aux éditions Libraryman).
L’apparition d’un lieu encore habité, d’une lumière encore diffuse suggérant l’intimité quotidienne de l’un des plus grands photographes de sa génération, peintre amateur et photographe brillant qui fit de l’East Village de New York (quartier dans lequel il vécut plus de 50 ans) un terrain de choix pour peindre à la chambre ces tableaux photographiques que d’aucuns reconnaissent entre mille. Saul Leiter (1923-2013), poète de la lumière naturelle qui fit des couleurs urbaines et des jeux subtils des diverses luminosités diurnes et nocturnes un champ d’exploitation et d’expérience photographique unique. Moins connu pour ses travaux monochromes où se dévoilent des corps à demi-dénudés, parfois dévêtus, arqués, contorsionnés dans des poses presque lascives et expressives (l’ouvrage In my Room en divulgue quelques impressions) –, Saul Leiter aura fait de son appartement un atelier hors du temps, un maître lieu créatif où chaque objet, chaque couleur et chaque corps prennent leur importance et leur insigne attrait dans l’œuvre saisie.
Le photographe François Halard parvient très justement à capter cette poétique du lieu, cette atmosphère encore investit, fantomatique, lieu extraordinaire dans son sommeil. Rien ne vient troubler ce repos, ni même l’irruption de François Halard dont les photos témoignent du simple éclat de cette inaction, de ce lieu vacant.
Espaces vides, murs décrépits, pièces silencieuses hantées seulement par d’épars objets oubliés après la mort de Leiter (quelques photographies dispersées, sur un buffet quelques appareils photo, une boite Kodak, des peintures, des dessins, une chaise, un chapeau, une lanterne Noguchi suspendue), tous, immortalisés par l’objectif et l’œil minutieux et discret d’un autre grand photographe contemporain.
“Dans cet appartement vide - ou presque vide -, je trouve quelques-unes des choses que Leiter a laissées : une chaise à dossier haut où il était assis pour peindre et boire son café, un caisson lumineux posé sur un guéridon en bois, une grande boîte de papier Kodak expiré.”
François Halard