Un coup de coeur de Jérémy Gadras
Tout à la fois artiste, auteure, enseignante, essayiste et féministe engagée, Judy Chicago est considérée comme l'une des artistes iconoclastes emblématiques de l'art féministe occidental, aux côtés de Cindy Sherman, Carolee Schneemann ou encore Ana Mendita.
Si l'étendard de l'art féministe rencontre quelques difficultés pour se planter dans les institutions muséales françaises, de minces expositions eurent toutefois le mérite de présenter et promouvoir tout ce pan artistique et esthétique de l'histoire de l'art. D'ailleurs, l'exposition why not Judy Chicago, after all, au Centre d'art contemporain de Bordeaux-CAPC en 2016 (par le commissaire d'exposition Xavier Arakistain), démontra cet engouement et intérêt – récent – que certain musées accordent aux artistes femmes engagées dans la remise en cause d'une société artistique patriarcale et luttant contre les stéréotypes et codes sexués dans l'écriture de l'histoire de l'art. Dans cette autobiographie aux allures de manifeste, Through the Flower (première traduction française d'un ouvrage paru en 1975), Judy Chicago se livre avec hardiesse, conviction, force et intimité, contant le combat qu'elle tente de mener dans le monde de l'art des années 70.
Plus qu'une simple autobiographie, ce récit est une auto-analyse percutante et des plus instructives tant sur les œuvres et réflexions de l'artiste que sur un art féministe émergeant en pleine conscience de son nouveau pourvoir langagier, philosophique, politique et artistique.
« Je dois reconnaître que lorsque je relis Through the Flower, je tressaille devant tant d'honnêteté sans fard ; mais en même temps, je suis heureuse que mon jeune « moi » ait eu le courage de parler avec une telle franchise de ma vie et de mon travail. Je doute d'être capable, aujourd'hui, de réanimer la candeur qui imprègne ce livre et reflète une confiance absolue dans l'accueil que le monde réserverait à des révélations si dénuées de conscience de soi. Et pourtant, c'est précisément cela qui donne son atmosphère particulière au livre, l'atmosphère des années 1970, où nous étions si nombreuses et nombreux à croire que nous pourrions changer le monde, dans le bon sens, un objectif qui a été – comme a dit l'une de mes amies – "violenté par la réalité"