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Préfacier : Michel Rocard - Traducteur : Thérèse de Cherisey
Là où certains prétendent vivre dans 1984 de George Orwell, Neil Postman démontre avec brio l’avènement du Meilleur des Mondes d’Aldous Huxley.
« Le message, c'est le médium ». En s’appuyant, en quelque sorte, sur cette fameuse formule de Marshall McLuhan, Neil Postman atteste que la télévision est, par nature, une machine à divertir. Peu importe les programmes, peu importe les intentions, le petit écran parle uniquement avec la voix de la distraction. Et ceci n’est pas le fruit d’une vaste conspiration. Tout comme l'apparition de l’imprimé et de la science typographique a orienté les conceptions du monde et guidé la marche civilisationnelle, les technologies de l’image ont entraîné des conséquences majeures sur la société en modifiant nos structures mentales et notre rapport au réel. Avec une différence de taille : là où le langage écrit favorisait la rationnalité, la dialectique et la cohérence, le langage visuel facilite le sans-rapport, le sans-conséquence et le désordre. En somme, là où l’information imprimée visait la raison, l’information mise en scène par l’audiovisuel se contente de satisfaire les émotions.
« Où est le mal ? » demanderaient certains. Neil Postman (dans la roue d’Aldous Huxley) répond qu’une civilisation éprise de divertissements est une civilisation dépolitisée, sans histoire et sous anesthésie. Les écrans agissent alors comme narcotique technologique. Les nouvelles du monde venant de partout et nulle part et s'adressant à tout le monde et personne en particulier ont pour conséquence un sentiment d'impuissance et donc une inertie généralisée. « Le public s'est adapté à l'incohérence et s'amuse jusqu'à en sombrer dans l'indifférence ». À ce sujet, on ne peut s’empêcher d’avoir en tête cette scène du film Wall-e dans laquelle des citoyens en surpoids sont baladés de part en part de nulle part par des fauteuils flottants équipés - exclusivement - d’écrans.
En fermant cet ouvrage culte et visionnaire de l’écologie des médias, on se figure aisément les pages caustiques et acerbes qu’aurait écrites son auteur sur notre civilisation du meme et de la 5G. Une lecture indispensable !
« Nous construisons tous des châteaux en Espagne mais les problèmes surviennent quand nous essayons de vivre dedans. »