Anthologie de textes qui témoignent de la transformation de la critique romanesque vers 1660 de l'apologie en rigoureux travail d'élaboration poétique et générique, consacrant la reconnaissance du roman en tant que genre à part entière. Les textes qui ont joué un rôle de premier ordre sont publiés dans leurs versions intégrales et accompagnés de préfaces, de traités et d'extraits de romans. ©Electre 2025

La critique romanesque naît au XVII^e siècle. Jusque-là dénué de toute reconnaissance, absent des poétiques, parent pauvre de la réflexion théorique, le roman n'a guère fait l'objet de commentaires proprement littéraires. Tout change entre 1600 et 1650, même si les discours critiques que le genre romanesque suscite au cours de la période se contentent presque uniquement de répondre aux accusations dont il est traditionnellement la source. L'apologie tient encore de la défense plus que de l'illustration. Une transformation se dessine néanmoins vers 1660. L'apologie cède le pas à un rigoureux travail d'élaboration poétique et générique. Le roman devient un genre reconnu des belles-lettres. Il invente ses formes et leurs lieux.
La présente anthologie recense les principaux textes à l'origine de cette révolution. La préface d'Ibrahim de Georges de Scudéry (1641), le Traité de l'origine des romans de Pierre-Daniel Huet (cinq éditions de 1670 à 1711), et les Sentiments sur les lettres et sur l'histoire avec des scrupules sur le style de Du Plaisir (1683), qui ont joué un rôle fondamental dans cette histoire, sont publiés dans leur version intégrale ; des préfaces, traités et extraits de romans ont été joints à ces documents capitaux sous forme de dossiers chronologico-thématiques.
Cet ensemble fournit les matériaux d'une enquête herméneutique sur le genre romanesque à l'époque classique. S'il se produit une évolution des critères définitoires du roman, cette évolution correspond-elle pour autant véritablement au « tournant » repéré par auteurs et théoriciens de la fin du XVII^e siècle et repris par les critiques contemporains ? Peut-on observer un ou des tournants, une poétique ou des régimes de poétique ? Distinguer les éléments de rupture et de continuité entre l'esthétique qui domine avant 1660 et celle qui apparaît à cette date renouvelle ces interrogations avec une acuité et des arguments inédits.