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Mort de Marcel Detienne, historien et grand spécialiste de la Grèce ancienne

Une actualité de Jean-Baptiste G.
Publié le 23/03/2019
Dans la nuit du 20 au 21 mars dernier l'un des grands noms de l'hellénisme s'est éteint. Marcel Detienne est mort à l'âge de 83 ans laissant derrière lui un œuvre considérable qui a su renouveler avec brio nos connaissances en matière de religion, de philosophie, de mythologie et d'anthropologie grecque.
Marcel Detienne naît en Belgique en 1935. Diplômé de philologie classique à l'université de Liège, il devient assistant en philosophie dans cette même institution avant de produire une thèse sur le passage de la pensée religieuse à la pensée philosophique chez les anciens pythagoriciens : Homère, Hésiode et Pythagore. Poésie et philosophie dans le pythagorisme ancien publiée en 1962. Déjà se profile chez ce penseur hors pair les grandes lignes de son principal champ de recherche. Au début des années 1960, alors qu'il vient suivre les cours du philologue et historien Louis Gernet à l' École pratique des hautes études (EPHE), il rencontre Jean-Pierre Vernant avec qui il cultive une sincère amitié qui se concrétise par l'écriture de quelques ouvrages communs. Ils consigneront ensemble notamment La cuisine du sacrifice en pays grec (Gallimard, 1979) ou encore Les ruses de l'intelligence : la mètis des Grecs (Flammarion, 1989).
Les travaux de Marcel Detienne sont continuellement marqués par la notion de « désacralisation ». Il considère que les Grecs doivent être descendus de leur piédestal de marbre et l'expression de « miracle grec » lui devient vite insupportable. Pour lui cette civilisation riche et singulière doit être abordée du point de vue de l'anthropologie et non plus de celui d'une quelconque sacralisation qui ferait de l'essor de la culture grecque un moment privilégié et unique qui la placerait au-dessus des autres. Son travail éclaire ainsi d'un jour nouveau nos connaissances sur les rites, les mécaniques, les mythes et les institutions antiques de ce petit morceau de terre méditerranéenne qui le passionna toute sa vie durant. On lui doit ainsi un œuvre considérable, riche d'une trentaine d'ouvrages et de centaines d'articles de recherche, produit dans le cadre de l'EPHE, du CNRS et de l'université Johns-Hopkins de Baltimore à partir de 1992.
L’helléniste n'en fut pas pour autant coupé des préoccupations de son époque comme en témoignent nombre de ses engagements politiques. Entre 2009 et 2010 Marcel Detienne participe aux débats sur la houleuse question de l'identité nationale. Il rejoint le « Commité de vigilance face aux usages publics de l'histoire » (CVUH) fondé en 2005 par Gérard Noiriel et Michèle Riot-Sarcey pour lutter contre l'instrumentalisation publique et politique de l'histoire à des fins mémorielles. En 2010 il participe même au film Ulysse clandestin ou les dérives identitaires réalisé par Thomas Lacoste pour s'opposer à la création du ministère de l'immigration et de l'identité nationale.
Marcel Detienne laisse derrière lui une marque indélébile sur l'histoire grecque ancienne. Sa vision et ses travaux ont renouvelé l'historiographie antique et pour citer Grégory Nagy dans son compte-rendu d'un autre grand livre de cet auteur, L'invention de la mythologie (Gallimard 1987) : « […] Il y aurait encore beaucoup à dire sur ce livre novateur, mais pour en revenir à l'essentiel : le livre de Detienne , à l'instar du mythe lui-même, nous instruit en nous fascinant. »

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