"Mon cas n'est pas unique : j'ai peur de mourir et je suis navrée d'être au monde".

Ainsi commence le plus beau texte de Violette Leduc. Cette autobiographie convie chaque lecteur à se joindre à elle, à se reconnaître à travers ses mots. Et pourtant, quel besoin de le faire sinon que Violette Leduc ressent au plus profond de ses chairs la solitude, la déchirure de n'être qu'une ?

Faire l'expérience de l'altérité : un point que nous avons tous en commun, mais auquel nous ne réagissons pas tous, ni tout le temps, de la même façon.
Vous qui êtes ouvert d'esprit, tolérant, accueillant, comment accepteriez-vous la présence d'une petite fille, certes brillante, mais aussi connue pour être une zombie cannibale si son odorat n'est pas endormi ?
Cette petite fille c'est Mélanie, héroïne de Celle qui a tous les dons, et Mademoiselle Justineau l'adulte qui doit se libérer de ses appréhensions et de ses peurs pour accepter l'amour de Mélanie.

Parfois, il est aussi plus facile de devenir un autre pour échapper à ses peurs et à ses faiblesses. Mais attention : la frontière est mince entre la fiction et le réel. Ainsi Jean-Claude Romand se fit passer pendant 20 ans pour un riche médecin auprès de sa famille et ses amis, commettant le pire pour éviter d'avoir à avouer qu'il n'avait jamais eu le diplôme de médecine. Dans L'Adversaire, l'écrivain et journaliste Emmanuel Carrère remonte à travers cette histoire aussi folle que tragique, et nous tend le miroir de cet autre, de celui que l'opinion jugea comme un monstre.

Enfin, n'oublions jamais que nous sommes toujours " l'autre " de quelqu'un.
Talmadge est au soir de sa vie. Orphelin à 15 ans à la fin des années 1800 dans un coin reculé de la côté Pacifique, Talmadge ne se remettra jamais de la disparition de sa soeur lorsqu'il en avait 18. Jamais il n'eut d'indice sur ce qu'elle avait pu devenir : morte ? partie ? Si toute sa vie il porta la culpabilité de cette disparition, Talmadge qui depuis ses quinze ans s’occupe du verger familial, parvient enfin à trouver la paix.
Lorsqu'un jour, au bout du verger, deux adolescentes sales au ventre tendu par une future naissance, se cachent puis commencent à lui voler de la nourriture. Talmadge ne les chasse pas. Talmadge dépose, jours après jours, de la nourriture sur son porche, que les jeunes filles viennent récupérer en son absence. Talmadge ne sait pas qui elles sont, où elles vont, ce qu'elles espèrent. Non, tout ce qu'il voit ce sont deux jeunes femmes sales, enceintes qui ont faim et qui ont besoin de son aide.

Cette histoire, entre ombre et lumière est celle de L'Homme du verger, l'un de nos plus grands coups de coeur.

L'Autre en littérature, c'est aussi un autre monde : romans de science fiction, space-opera exceptionnel comme The expanse, roman post-apocalyptique magistral avec La Terre Demeure. Ce sont aussi des classiques , et là, c'est une évidence : Docteur Jekyll et mister Hyde de Stevenson, Le Double d Dostoievski, La métamorphose de Kafka ou encore Le portrait de Dorian Gray. Chercher l'Autre dans la littérature c'est aussi parler de l'acceptation de l'autre : No Home de Yaa Gyasi, Le ventre de l'Atlantique de Fatou Diome, Blade Runner de K Dick, Amours Monstres de Dunn....

Enfin, pour nous, la littérature a aussi cet immense pouvoir : faire partager des expériences et des idées, des mondes, des idéaux, des caractères, c'est nous aider peut-être à augmenter notre empathie en l'enrichissant de tant d’aventures.