Si ces derniers ouvrages tentaient encore de mettre à jour les nouvelles mécaniques en oeuvre dans ce nouveau millénaire, l'oeuvre d'Alain Touraine saisit dans le siècle dernier l’essor de la modernité: la transformation du monde ouvrier, l’essor de l’industrie, le monde polymorphe du travail, l’ascension de l’individu sujet, la répétition des crises et des mouvements sociaux.
Alain Touraine fut un homme de son temps, l’un des premiers à pouvoir porter le nom de sociologue. Son analyse des sociétés qu'elles soient françaises, d’Europe de l’est ou d’Amérique latine s’accompagnèrent régulièrement d’un engagement politique qui ne le cantonna à aucune étiquette.
Sur les bancs de l’université, il fut régulièrement opposé à Pierre Bourdieu dont il respectait la création de certains concepts comme celui d’habitus mais dont il trouvait entre autres la théorie de la “domination” trop écrasante, trop implacable. Dans un court article de Sciences humaines paru en 2012 qu’il signe sur son confrère disparu, Alain Touraine livre en contre-point un portrait de lui-même : celui d’un intellectuel qui, comme les grands Emile Durkheim ou Emile Zola, souhaitait accompagner et penser le progrès social et celui d’un sociologue qui dont la question essentielle fut de comprendre “comment un individu peut-il avoir de la liberté tout en étant pris dans de multiples contraintes et déterminismes”.